Un nouveau smartphone tous les deux ans : Back Market alerte contre les dérives de la «fast tech»
Ce terme décrit la consommation effrénée d’appareils électroniques, changés avant même d’être obsolètes. Un mode de consommation très polluant, alerte le spécialiste du reconditionné.
En trois clics, il est possible de se revêtir de la tête aux pieds avec des vêtements de fast fashion, bon marché et qui seront aussitôt remplacés par de nouvelles tendances afin d’inciter sans cesse à l’achat. Dans le monde des smartphones et appareils électroniques, on retrouve le même principe. Baptisé «fast tech», ce mode de consommation consiste à acheter de manière effrénée des nouveaux appareils électroniques à la mode avant même que les précédents ne soient inutilisables.
Une étude de Back Market et OpinionWay démontre que bon nombre de Français ignorent l’impact environnemental d’un tel mode de consommation. Spécialisée dans la vente de smartphones, ordinateurs ou consoles reconditionnés, l’entreprise française espère provoquer une prise de conscience.
« Aujourd’hui, l’impact environnemental du numérique est largement sous-estimé. Cette industrie représente 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. C’est plus que l’aviation. Et ça pourrait aller jusqu’à 14% d’ici 2040 » explique Nina Quellier, en charge de la stratégie «activisme de marque» de Back Market.
Selon l’étude publiée par l’entreprise, seulement 52% des Français disent avoir conscience des conséquences écologiques de cette industrie. Un score bien loin de l’industrie pétrolière, électrique et gazière (79% des interrogés la jugent polluante), ou celle des transports routiers et maritimes (jugée polluante à 73%). Les jeunes, souvent plus familiers avec l’univers du numérique, sont la catégorie de la population la plus alerte sur la question. 69% des 25-34 ans considèrent la tech comme une industrie polluante.
Des déchets toxiques qui s’accumulent
Back Market souligne que la pollution engendrée par l’achat d’un smartphone a lieu à 80% avant même sa première utilisation. Le gros du problème étant le coût environnemental de la production de tels appareils. Fait de matériaux et composants rares récoltés aux quatre coins du globe, le smartphone a le temps de voyager à travers le monde avant d’atterrir dans la poche de son acheteur final.
À cette production polluante s’ajoute la courte durée de vie de ces appareils, les Français gardant un smartphone pendant 2 ans et demi en moyenne avant d’en changer. « Nous sommes dans une véritable culture du jetable » déplore Nina Quellier. 62 millions de tonnes de déchets électroniques ont ainsi été produits en 2022, 82% de plus qu’en 2010 selon les chiffres de l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Une fois jetés, ces déchets s’accumulent et finissent bien souvent, tout comme les surplus de vêtements de fast fashion, dans des décharges à ciel ouvert situées sur le continent africain. C’est le cas notamment au Kenya, pays qui voit croître des cimetières d’outils technologiques non utilisés. « Ce sont des déchets toxiques, dangereux pour les populations locales. Le nombre de déchets augmente cinq fois plus vite que les délais du recyclage. Si on n’encourage pas les gens à réutiliser, on ne pourra pas recycler tout ça » précise Charlotte Souleau, directrice générale de Back Market France.
La question du coût des pièces détachées
Si une partie des consommateurs ne résistent pas aux sirènes du marketing, d’autres abandonnent leur smartphone devenu défectueux (batterie, écran, processeur….) car le réparer leur reviendrait trop cher. Ce coût peut être si important que 45% des consommateurs préfèrent augmenter la dépense et s’offrir du neuf. L’étude pilotée par Back Market souligne pourtant que 94% d’entre eux seraient prêts à conserver leurs appareils plus longtemps si ceux-ci avaient une garantie de réparabilité. Comme une assurance qui leur permettrait d’obtenir des pièces détachées à un coût abordable pour remplacer celles défectueuses.
La question du coût des pièces détachées est au cœur des débats européens. Déjà applicable sur les téléviseurs depuis janvier et sur les machines à laver depuis avril, le ministère français de l’écologie ambitionnait d’imposer un indice de durabilité aux smartphones. Via une note sur 10, cette donnée aurait permis aux acheteurs de connaître les degrés de durabilité de leurs appareils, selon la qualité des pièces qui les composent, les possibilités de recyclage et le prix des pièces détachées permettant d’effectuer des réparations.
En concurrence avec un texte européen similaire, l’avis défavorable de la Commission européenne a conduit à l’abandon du projet français. À la place, des étiquettes énergétiques vont apparaître à partir du 20 juin sur les smartphones commercialisés dans les pays de l’Union. Elles comprendront un autre indice européen de réparabilité. Mais, contrairement au projet français, cet indice ne prend pas en compte le coût des pièces détachées, ainsi qu’une dizaine d’autres critères présents dans le texte tricolore. «Des marques pourraient obtenir de bons indices de réparabilité alors que la réparation est dans les faits inaccessible financièrement», alerte l’association HOP (Halte à l’obsolescence programmée). Une ambition revue à la baisse, regrettent les défenseurs de l’environnement.
Source : lefigaro.fr