Des pluies diluviennes ont tout emporté sur leur passage : familles, habitations, écoles, centres de santé. Les secours sont débordés.
L’eau boueuse a tout balayé, semant la mort et la désolation à Nyamukubi, l’un des villages dévastés, jeudi, par des inondations qui ont fait environ 400 morts dans le Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), selon un bilan encore provisoire, dimanche 7 mai.
« On dirait la fin du monde. Je cherche mes parents et mes enfants », se désole Gentille Ndagijimana, les larmes aux yeux. A 27 ans, Gentille et sa famille sont originaires de Masisi dans la province voisine du Nord-Kivu. Ils ont fui les combats entre l’armée congolaise et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) en janvier et trouvé refuge ici.
Elle a perdu ses deux enfants, ses deux sœurs et ses parents. Son mari, blessé, est à l’hôpital. « Je n’ai plus de famille et je n’ai pas de champ. Maintenant je dois chercher où dormir », continue tristement la jeune femme.
Au pied des collines verdoyantes du territoire de Kalehe sur la rive ouest du lac Kivu, frontalier du Rwanda, un paysage désertique de boue et de pierres a pris possession de tout un quartier. Il y avait là des maisons d’habitation, un marché, deux écoles, un centre de santé, une salle polyvalente, un entrepôt. Il n’en reste rien.
Jeudi soir, sous l’effet d’une forte pluie, les rivières Nyamukubi et Chishova ont débordé et tout emporté sur leur passage.
« Avec les mains et quelques pelles »
« Je suis motard. J’étais rentré du travail, j’ai déposé ma moto à la maison et je suis sorti voir des amis. A mon retour, ma maison, ma moto et les membres de ma famille avaient disparu », témoigne auprès de l’AFP Roger Bahavu, père de sept enfants. Tous sont morts, leur mère aussi, et leur grand-mère. « Sur onze personnes dans la famille, nous ne restons qu’à deux », lâche tristement le père de famille, qui espère retrouver les corps des siens.
« Il y a beaucoup de corps, nous sommes débordés », s’alarme Isaac Habamungu, un agent de la Croix-Rouge locale. L’administrateur du territoire chiffrait samedi à 203 le nombre de corps retrouvés. Dimanche, il en évoquait au moins 394, dont 120 découverts flottant sur le lac au niveau de l’île d’Idjwi, les autres ayant été trouvés à Nyamukubi et dans le village voisin de Bushushu.
« Nous pensons que beaucoup de corps ont échoué dans le lac. On se demande comment on va s’en sortir, ajoute Isaac Habamungu. Nous n’avons pas de sacs mortuaires, il n’y a pas de financement pour ce que nous faisons. »
Les équipes, poursuit-il, creusent à la recherche des cadavres « avec les mains et quelques pelles ». Elles enroulent les corps dans des couvertures ou des draps avant de les inhumer dans des fosses communes.
Sur la rive du lac flottent des morceaux de bois, des tôles, des meubles et d’autres matériaux charriés par les rivières en furie. Sur des maisons englouties, des jeunes essaient de récupérer ce qui peut encore l’être : de la tôle, des structures métalliques, des planches…
« Cela va empirer »
La Croix-Rouge et l’administration poursuivent l’enregistrement des familles qui ont perdu les leurs, ainsi que des sinistrés. Le chef du village, Marcel Mubona, s’attend à encore plus de morts. « Cela va empirer », dit-il, alors qu’il vient d’apprendre la mort d’un jeune qui avait été hospitalisé.
Terminus de tous les malades et blessés, le seul établissement de santé opérationnel dans la zone est une institution privée, l’« hôpital pour la promotion de la santé mère et enfant » qui, débordé lui aussi, doit faire face au manque de médicaments, de personnel soignant et de lits.
« On attend la réaction du gouvernement, pour nous aider à acheminer » les cas les plus graves vers de plus grands hôpitaux, et pour « nous fournir des médicaments afin de nous occuper des autres », demande le docteur Bauma Ngola, médecin directeur de l’hôpital.
Assise sur son lit, désespérée, le visage tuméfié, souffrant de graves blessures au pied, une jeune femme pense qu’elle est « en train de mourir ». « Mes blessures et mon corps sont en train de gonfler, ils disent que ma jambe doit être coupée », déclare-t-elle. A côté d’elle, son fils de 10 ans, dont les blessures lui font de plus en plus mal, attend lui aussi qu’on s’occupe de lui.