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Euro féminin de football 2022 : la fin de l’hégémonie lyonnaise chez les Bleues

Le poids des joueuses de l’Olympique lyonnais au sein de l’équipe de France a été réduit. Celles du Paris-Saint-Germain y comptent désormais tout autant. Une première dans l’histoire d’une sélection où les tensions entre footballeuses issues des deux clubs ont pu être fortes.

Dimanche 17 juillet, sur le terrain d’Ashby-de-la-Zouch, au nord-est de Birmingham (Angleterre), les footballeuses de l’équipe de France s’entraînent. Les sourires sont sur tous les visages à la veille du dernier match de la phase de groupes de l’Euro (du 6 au 31 juillet), les Bleues étant déjà assurées de leur qualification pour les quarts de finale.

Durant la séance, la défenseuse Griedge Mbock fait semblant de passer le ballon à l’attaquante Kadidiatou Diani, avant de la feinter, puis de la chambrer gentiment. Scène banale ? Sans doute. Pourtant, en dehors de la sélection nationale, la première joue à l’OL alors que la seconde évolue au PSG, autant dire dans les deux clubs « ennemis » de la D1.

Il y a peu encore, les relations entre Lyonnaises et Parisiennes étaient plus tendues lorsqu’elles étaient réunies en équipe de France. Les premières y étaient quasi hégémoniques. Lors de l’Euro 2013 par exemple, douze des vingt-trois joueuses retenues par le sélectionneur, Bruno Bini, étaient issues des rangs de l’OL.

« Les Lyonnaises avaient une emprise médiatique par leurs résultats et leur palmarès », se souvient Philippe Joly, chargé des gardiennes et de la préparation physique entre 2007 et 2013 avant de devenir, entre 2017 et 2020, l’adjoint de l’actuelle sélectionneuse des Bleues, Corinne Diacre.

Désormais, l’« accent » parisien est tout aussi présent que l’« accent » lyonnais. Au sein des 23 joueuses emmenées en Angleterre par Corinne Diacre pour disputer l’Euro, on compte cinq joueuses du PSG. Soit autant que celles de l’OL. Une première.

Mises à l’écart

La montée en puissance du PSG, ces toutes dernières années, a changé la donne et explique, pour une bonne part, le rééquilibrage actuel. S’il est de longue date le principal rival de l’OL, le club de la capitale a franchi un cap en 2021 en faisant tomber Lyon de son piédestal en championnat, lui ravissant le titre national pour la première fois en quinze ans.

Le constat qui pouvait prévaloir au milieu des années 2010 – « les Parisiennes qui arrivaient n’avaient rien gagné, et n’avaient pas non plus la même notoriété », résume Philippe Joly – n’est plus d’actualité. Avec des Marie-Antoinette Katoto (qui a quitté l’Euro sur blessure), Kadidiatou Diani ou Grace Geyoro, « il y a davantage de joueuses du PSG qui ont du potentiel pour prétendre aux Bleues », reconnaissait d’ailleurs, avant la compétition européenne, Sonia Bompastor, l’actuelle coach de l’OL et ex-internationale tricolore.

Un autre facteur, et non des moindres, a joué dans cette réduction de l’« emprise » lyonnaise chez les Bleues et la redéfinition de la géopolitique interne : Corinne Diacre a écarté des joueuses comme Amandine Henry, Eugénie Le Sommer et Sarah Bouhaddi (celle-ci s’étant d’elle-même mise en retrait), des cadres de l’OL.

Officiellement, cette mise à l’écart s’est faite pour des raisons sportives. En réalité, elle est venue sanctionner des incompatibilités relationnelles. Amandine Henry avait exprimé publiquement, en novembre 2020, des critiques sur le management de Corinne Diacre après la Coupe du monde 2019 à domicile (les Bleues avaient été éliminées en quarts de finale par les Américaines).

« Il y avait moins d’unité »

« Avant, il y avait moins d’unité, plus de rivalité de clubs, quelques soucis entre joueuses, mais pas forcément de Paris et Lyon uniquement », avait reconnu Eugénie Le Sommer, citée par L’Equipe en novembre 2019. « Peut-être parce que je suis Lyonnaise, je trouvais que l’OL était un peu désigné comme le méchant », avait ajouté la joueuse, lyonnaise depuis 2010.

A la fin des années 2000, les relations avaient parfois été fraîches entre les internationales issues de l’OL et celles qui évoluaient à Juvisy (Essonne), ce club tenant la dragée haute aux Lyonnaises – il a été sextuple champion de France entre 1992 et 2006 avant d’être absorbé par le Paris Football Club (Paris FC) en 2017.

A cette époque où la première division féminine était encore moins professionnelle qu’aujourd’hui, « il a pu y avoir des petits soucis relationnels, admet Philippe Joly. Les Lyonnaises avaient de bons contrats tandis que certaines autres internationales travaillaient aussi comme femme de ménage ou employée. Il n’y avait pas de jalousie, mais cela mettait des barrières. Ça s’est atténué petit à petit puisque les joueuses qui avaient des résultats ont commencé à signer des contrats fédéraux avec leurs clubs. »

Le rôle de Bruno Bini, entraîneur national entre 2007 et 2013, a été prépondérant dans la pacification. « Il y avait une majorité de Lyonnaises ; donc, quand il y avait des confrontations d’idées, il y avait un petit peu plus de poids d’un côté que de l’autre. Mais on avait un chef d’orchestre qui s’appelait Bruno Bini », se souvient Gaëtane Thiney, internationale aux 163 sélections, qui évolue en club, depuis 2008, à Juvisy, devenu Paris FC.

Une influence diluée

Les résultats obtenus sous les ordres de Bruno Bini ont aussi atténué les tensions. Les Tricolores atteignent les demi-finales de la Coupe du monde 2011 et des Jeux olympiques de Londres l’année suivante. « Si on n’avait pas eu ces résultats, nous aurions peut-être continué dans ce climat délétère entre Lyonnaises et Parisiennes », convient Philippe Joly.

Les successeurs de Bruno Bini, Philippe Bergeroo (2013 à 2016) puis Olivier Echouafni (2016-2017), ont poursuivi le travail entrepris pour maintenir l’unité au sein du groupe. « J’ai tout fait exploser », se souvient le second à propos de l’organisation des repas. « Quand vous aviez, au dîner, le contingent le plus gros d’un côté de la table et le plus petit à l’autre bout de table, ce n’était pas l’idéal pour l’adaptation et l’arrivée de nouvelles joueuses. Ça a été un peu dur au départ, certaines ont exprimé leur désaccord, mais à la fin elles m’ont presque remercié de l’avoir fait. »

Aujourd’hui, l’arrivée au sein de l’équipe de France de jeunes joueuses nées dans les années 2000, et qui n’ont pas connu cette cohabitation parfois difficile, a dissipé les antagonismes. Par ailleurs, même si l’OL et le PSG fournissent toujours à eux deux presque la moitié de la sélection nationale, leur poids et leur influence tendent à se diluer, avec la présence de joueuses de Bordeaux, du Paris FC ou de clubs étrangers (en Espagne, Angleterre et Italie).

« Ici, les étiquettes des clubs restent au bas de l’escalier », avait prévenu, en novembre 2019, Corinne Diacre. Avant l’Euro, Sonia Bompastor, la coach de l’OL, invitait pour sa part Lyonnaises et Parisiennes « à apporter toute leur expérience pour que la France atteigne l’objectif suprême ». C’est-à-dire décrocher un premier titre international.