Soolking, roi de la musique sans frontières
De « sans-papiers » à machines à tubes: à 32 ans, l’artiste algérien Soolking se joue des limites des différents univers musicaux, à l’image de la pochette de son 3e album « Sans Visa », un passeport vert de nationalité « internationale ».
Artiste francophone le plus écouté dans le monde avec Aya Nakamura, Soolking, qui chante en français et en arabe algérien, partage avec l’interprète de « Djadja » le refus d’être enfermé, géographiquement ou musicalement.
« Ma musique n’a pas vraiment d’appartenance nationale. Ma musique, c’est un mélange de beaucoup de cultures, de beaucoup de styles que j’ai écoutés », confie-t-il à l’AFP.
« Cela m’amuse d’essayer pleins de délires, pleins de rythmiques différentes », explique Soolking, dont le nom d’artiste s’inspire d’un personnage du manga à succès « One Piece », l’une de ses grandes passions.
« Au début de ma carrière, j’avais un peu ce complexe, je n’arrivais pas à aller dans des trucs un peu osés. Mais quand il y a le succès derrière, c’est la confirmation que je ne me suis pas trompé », ajoute-t-il.
Une recette gagnante qui lui a permis de devenir depuis « Guérilla », son freestyle (billet d’humeur/improvisation, en rap) dans l’émission « Planète Rap » l’ayant révélé aux yeux du monde en 2018, une machine à tubes internationaux avec déjà deux albums certifiés de platine.
Exemples à son compteur: le titre « Dalida » s’est hissé à la sixième place du top mondial sur Deezer, tandis que « Meleğim » et « Zemër » cumulent à ce jour presque un milliard de vues sur YouTube.
« Harraga »
Au-delà des sonorités festives et sa richesse musicale, son troisième opus « Sans Visa » fait référence dans presque chacun des titres à la vie des « harraga » (littéralement « les brûleurs »), surnom des migrants clandestins originaires du Maghreb qui tentent de rejoindre l’Europe par la mer, faute de perspective d’avenir. Comme un écho à sa propre histoire.
Né en Algérie, Abderraouf Derradji, de son vrai nom, a grandi dans la banlieue d’Alger, où il développe très vite sa pratique de la danse et de la musique, malgré le contexte difficile de la décennie noire (1991-2002).
S’il n’a pas fait la traversée de la Méditerranée en bateau, l’artiste est venu en situation « irrégulière » en France, où il a vécu « la vie de +harraga+ » pendant quelques années.
« Après j’ai réussi dans la musique et à régulariser ma situation, mais c’est mon vécu », confie-t-il, avec pudeur. « Je connais beaucoup de gens qui sont venus sans papiers en Europe et qui aujourd’hui (ont réussi) ! Ce sont des gens importants, cultivés, qui apportent du bien à la France, et en même temps à leur pays d’origine », dit-il.
« On a tous ce rêve de partir, moi aussi je suis parti. Mais c’est un suicide de partir de cette façon-là », alerte-t-il. « Au final, il n’y a personne qui va pleurer pour toi à part ta maman et tes proches ». « Il fallait que quelqu’un raconte leur histoire », insiste-t-il.
« Beaucoup à offrir »
Avant son premier Olympia en octobre, Soolking a franchi une nouvelle étape ce printemps avec une tournée nord-américaine, qui l’a mené de Montréal à Washington en passant par Chicago et New York.
Énième signe, à l’instar du carton des clips « Disco Maghreb » de DJ Snake ou « Territory » du groupe électro The Blaze, qu’il est possible d’exporter l’esthétique algérienne sur tous les continents même « jusqu’à Macao » ?
« L’Algérie n’a pas que le raï à offrir au monde. Khaled et Cheb Mami l’ont amené à l’apogée au niveau mondial mais on a beaucoup plus de styles, des rythmiques de fou aussi, à offrir », plaide Soolking.
« J’essaye toujours d’amener ce petit truc algérien pour faire connaître au monde cette originalité, complète-t-il. Je pense que c’est une force. »