Microsoft et OpenAI, bientôt la fin d’une idylle ?
Les sources de tensions s’accumulent et creusent un fossé entre Microsoft et OpenAI. L’un désireux de garder la main sur son investissement voit rouge alors que le second tente de s’émanciper de cette relation un peu trop encombrante. En parallèle, Google jette de l’huile sur le feu, demandant à la FTC de couper court à l’accord entre les deux entreprises.
Depuis un certain temps déjà, la relation entre Microsoft et OpenAI se détériore. Leurs dirigeants respectifs, Satya Nadella et Sam Altman, plus proches que jamais lors de l’éviction ratée du CEO d’OpenAI, semblent désormais maintenir leurs distances. Les nouvelles se font rarissimes, au point qu’on en oublierait même l’existence d’un accord entre eux. La dernière en date n’est par ailleurs pas joyeuse : elle porte sur l’ajout de Microsoft à la liste des accusés dans la plainte d’Elon Musk contre OpenAI.
L’AGI, botte secrète de Sam Altman pour se soustraire à Microsoft
Source de cette discorde : le contrat qui les lie est très avantageux pour Microsoft. OpenAI doit lui reverser une part importante de ses revenus, et ses meilleurs modèles sont commercialisés en priorité sur Azure et avec des tarifs préférentiels. C’est la contrepartie des lourds investissements de Microsoft dans la start-up. Il existe cependant une clause qui pourrait libérer OpenAI de ses obligations. Elle concerne « l’intelligence artificielle générale » ou AGI.
Un concept à la définition vague et changeante, qui est généralement compris comme désignant un système doté d’une conscience et d’une identité propre. Un être vivant artificiel, en quelque sorte. Le concept est controversé et la communauté scientifique est divisée sur sa faisabilité. Les fondateurs d’OpenAI, pour leur part, y croyaient dur comme fer à sa création. Et le contrat liant OpenAI à Microsoft ne s’appliquerait pas à une éventuelle AGI. « L’AGI est explicitement exclue de tous les accords de licence commerciale et de propriété intellectuelle », selon le site web de la start-up.
L’AGI arriverait dès l’année prochaine, mais ne serait finalement pas une révolution
Lors d’une interview au NYT DealBook Summit le 5 décembre, Sam Altman a rappelé des chiffres clés (300 millions d’utilisateurs actifs hebdomadaires, 1 milliard de messages quotidiens, 1,3 million de développeurs américains sur la plateforme) et abordé plusieurs sujets incluant Elon Musk, l’AGI, et les tensions avec Microsoft. S’il admet que les deux entreprises ne sont plus en phase sur tous les sujets, il tient à rappeler qu’elles le sont bel et bien sur les priorités business.
Mais il estime surtout que l’AGI arrivera « beaucoup plus tôt que quiconque ne s’y attend », avec « les premières manifestations potentielles en 2025 ». Il a par ailleurs précisé que ce ne sera pas une révolution, contrairement à ce qu’il prédisait par le passé, et que la transformation fantasmée de la société sera au final très progressive.
Un stratagème pour faire d’OpenAI un géant technologique
Un discours qui semble préparer la voie à une déclaration que l’AGI a été atteinte dès l’année prochaine, mais basée sur une nouvelle définition du terme, aux ambitions revues fortement à la baisse. Cela ne changerait donc au final pas grand chose… exception faite qu’OpenAI n’aurait plus à partager ses revenus. Nul doute que Microsoft n’apprécierait guère la manœuvre, mais c’est au conseil d’administration d’OpenAI qu’il conviendra de déterminer quand l’AGI sera définitivement atteinte, d’après la start-up.
A noter qu’un autre problème se pose en parallèle : celui du changement de structure de l’entreprise, qui s’éloigne de sa mission d’organisation à but non lucratif. Sam Altman cherche également à s’en défaire pour que la start-up puisse réellement prendre son envol en tant qu’entreprise classique.
Microsoft a du mal à se passer de son partenaire
De son côté, Microsoft bataille pour rester dans la course. Il développe ses propres modèles en interne, notamment avec Phi, et a récemment ouvert GitHub Copilot aux modèles d’Anthropic et Google. Il a aussi lancé la plateforme Copilot Studio, qui permet de créer des chabots de façon simplifiée, et qui s’appuie sur sa propre technologie. Mais dans les faits, il se repose principalement sur les modèles d’OpenAI aujourd’hui, à la fois pour ses autres assistants dénommés Copilot (le terme ayant été décliné à toutes les sauces et dans tous ses produits) et au sein de son offre cloud avec Azure.
Le géant du cloud n’est donc pas enclin à se séparer de sa poule aux œufs d’or, d’autant qu’il a fortement contribué à son succès en y investissant plus de dix milliards de dollars et en lui construisant une infrastructure de calcul dédiée.
Google s’en mêle et demande à la FTC de couper court au deal entre les deux acteurs
Pour ne rien arranger à cette histoire, Google a demandé cette semaine à la Federal Trade Commission (FTC) de mettre fin à l’accord exclusif de Microsoft pour héberger la technologie d’OpenAI sur ses serveurs cloud, selon The Information. La conversation a eu lieu après que la FTC a interrogé Google sur les pratiques commerciales de Microsoft dans le cadre d’une enquête plus large.
Il n’y a rien de surprenant à ce que les plus proches concurrents de Microsoft, à savoir Amazon et Google, cherchent à pouvoir proposer les modèles les plus en vogue. Aujourd’hui, les entreprises qui souhaitent utiliser la technologie d’OpenAI doivent faire face à des frais supplémentaires si elles n’utilisent pas les serveurs de Microsoft pour leurs opérations. Google et d’autres concurrents ont souligné que ces coûts nuiront aux clients. Reste à voir si la FTC sera du même avis, étant donné les lourds investissements de Microsoft dans OpenAI.
Pour la start-up, l’aboutissement d’une telle demande ne serait donc pas non plus complètement insensé : cela lui éviterait de mettre toutes ses oeufs dans le même panier et lui permettrait d’accéder à de nouvelles infrastructures de calcul, condition sine qua non pour garder son avance sur ses concurrents. La lenteur de Microsoft à lui fournir ces ressources serait d’ailleurs l’une des causes de sa frustration.
Source : usine-digitale.fr