Le CIO réaffirme sa volonté de réintégrer les athlètes russes et biélorusses, mais ne dit rien sur Paris 2024
Le Comité international olympique a émis, mardi, une série de recommandations à destination des fédérations internationales, mais renvoie « à un moment approprié » sa décision sur les Jeux olympiques de Paris 2024.
Le Comité international olympique (CIO) était sommé depuis plusieurs semaines de clarifier sa position sur le retour des athlètes russes et biélorusses dans le concert du sport mondial. Mardi 28 mars, au terme du premier jour de sa commission exécutive, le CIO a réitéré la recommandation qu’il avait formulée, fin janvier, de réintégrer les sportifs des deux pays, sous bannière neutre et sous réserve qu’ils n’aient pas activement soutenu la guerre en Ukraine.
L’instance basée à Lausanne (Suisse) n’a en revanche pris aucune position sur leur éventuelle participation aux Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 – et à ceux d’hiver à Milan-Cortina (Italie) en 2026 –, renvoyant « à une date appropriée » le moment de cette décision, alors que les épreuves qualificatives pour les JOP ont déjà commencé dans nombre de disciplines olympiques.
Après quatre mois de consultations avec les comités nationaux olympiques, les fédérations internationales (FI) et les représentants des athlètes, le CIO a réaffirmé mardi, à l’unanimité des membres de la commission exécutive, sa volonté de laisser aux FI et aux organisateurs de compétitions sportives la responsabilité d’admettre ou pas les sportifs russes et biélorusses.
Le patron du sport mondial a en outre émis une série de six recommandations – une sorte de mode d’emploi – qui a pour but d’« harmoniser les règles » entre les fédérations internationales, comme l’a précisé Thomas Bach, le président allemand du CIO.
« Un jour de honte pour le CIO »
Les athlètes russes et biélorusses ne peuvent ainsi faire leur retour dans les compétitions sportives qu’à titre individuel et sous une bannière neutre ; les équipes nationales de ces deux pays ne peuvent être admises ; pas plus que ne peuvent l’être les sportifs qui soutiennent activement la guerre en Ukraine ; ni ceux qui sont sous contrat avec l’armée ou les services de sécurité ; tout athlète russe et biélorusse « neutre » autorisé à concourir doit également satisfaire aux exigences de l’agence mondiale antidopage ; enfin, les drapeaux, hymnes ou symboles nationaux des deux pays restent bannis des compétitions sportives internationales qui ne peuvent être organisées sur le territoire de la Russie et de la Biélorussie – compétitions pour lesquelles les officiels des deux pays ne peuvent être invités ni accrédités.
Alors que les menaces de boycottage se font de plus en plus pesantes sur les JOP de Paris – l’Ukraine, la Pologne et les pays baltes se disent prêts à le faire en cas de présence russe –, Thomas Bach a insisté sur le fait que le CIO se prononcerait sur la participation des Russes et Biélorusses aux Jeux 2024, après avoir suivi l’application de ses recommandations au cours des prochaines semaines, « au moment approprié, à son entière discrétion, et sans être liée par les résultats des épreuves de qualification olympique ».
Les recommandations du CIO n’ont pas manqué de provoquer de vives réactions mardi dans le camp occidental. La ministre de l’intérieur allemande parle ainsi d’« une gifle aux sportifs ukrainiens ». « Le sport international doit condamner en toute clarté la guerre d’agression brutale menée par la Russie. Cela ne peut se faire qu’en excluant complètement les athlètes russes et biélorusses », s’est indignée sur Twitter Nancy Faeser. Même colère en Pologne, où le vice-ministre des affaires étrangères, Piotr Wawrzyk, n’a pas hésité dans un tweet à parler d’« un jour de honte » pour le Comité international olympique.
Le chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques Lukas Aubin estime, lui, que la décision du CIO n’est pas pour autant une victoire pour Vladimir Poutine – le comité olympique russe dénonce en effet des critères de réintégration « discriminatoires ». « Mais c’est comme si Poutine avait mis le pied dans la porte, expose-t-il. Cela laisse ouverte la possibilité de discussions futures. »
Une impasse
Selon le spécialiste en études slaves, l’instance est dans une impasse. « Il n’existe que deux sorties de crise potentielles : soit la réintégration des Russes et Biélorusses, mais là, le CIO se met à dos l’Ukraine et une partie du camp occidental ; soit leur exclusion, au risque pour le CIO de s’aliéner une bonne partie du camp non-occidental, en particulier africain et asiatique [dont les comités olympiques régionaux se sont prononcés récemment en faveur de la réintégration]. »
Isolée sur la scène internationale après l’invasion de l’Ukraine il y a un an, la Russie a aujourd’hui « reconstitué une forme de bloc », note Lukas Aubin, qui lui permet de faire valoir ses intérêts. « Son discours anti-occidental semble fonctionner », constate le chercheur.