Guerre en Ukraine : Macron répond à Trump et appelle au réveil de l’Europe
Dans un entretien accordé au « Financial Times », le président français voit dans l’activisme de Donald Trump « une fenêtre d’opportunité » conduisant l’Europe à prendre en main sa propre sécurité.
C‘est l’heure de vérité, aux yeux du président de la République. Emmanuel Macron considère comme un « électrochoc » salutaire les initiatives du président Trump et son découplage annoncé de l’Europe, dans un entretien accordé Financial Times. Un moment charnière qui, selon le chef de l’État, doit pousser l’Union européenne à accélérer sa transformation vers plus d’autonomie stratégique.
Il affirme avoir parlé à Donald Trump par téléphone plus tôt dans la semaine et qu’il n’était « pas surpris » par la démarche du président américain. « Ce que Trump dit à l’Europe, c’est que c’est à vous de porter le fardeau. Et je dis, c’est à nous de l’assumer », admet-il en répondant à nos confrères britanniques.
Toutefois, sur la question ukrainienne, Emmanuel Macron développe une position nuancée. S’il reconnaît que Trump crée une « fenêtre d’opportunité » pour des négociations, il pose des conditions claires : seul le président Zelensky est légitime pour négocier au nom de l’Ukraine, et une « paix qui serait une capitulation » constituerait une mauvaise nouvelle pour tous, y compris les États-Unis. La question centrale reste, selon lui, la volonté réelle de Vladimir Poutine d’accepter un cessez-le-feu crédible.
Le déploiement de 150 000 à 200 000 soldats, « pas réaliste »
La question des garanties de sécurité apportée à l’Ukraine a été abordée. Le président Zelensky estime que le maintien d’une paix éventuelle avec la Russie exigerait la présence d’une force d’interposition de 150 000 à 200 000 soldats. Emmanuel Macron répond qu’un tel déploiement serait « irréaliste », ajoutant : « Nous devons faire des choses appropriées, réalistes, bien pensées, mesurées et négociées. »
S’agissant de la menace de Trump d’annexer le Groenland, le président Macron joue au plus fin : il juge « respectables » les inquiétudes du président américain concernant la sécurité des routes maritimes dans l’Arctique, mais propose de les traiter collectivement par les alliés de l’Otan. Il rappelle aussi que l’unilatéralisme américain n’a pas commencé avec Donald Trump, évoquant, par exemple, les décisions de Joe Biden de se retirer d’Afghanistan sans prévenir les alliés ou de l’affaire des sous-marins nucléaires australiens, un contrat subtilisé à la France.
Macron met en garde contre la dépendance aux armes américaines
Le chef de l’État français place la défense européenne au cœur de ses préoccupations. Il appelle ses partenaires à développer une base industrielle et technologique de défense européenne entièrement intégrée, dépassant la simple question des budgets. Une fois de plus, il met en garde contre une dépendance excessive aux équipements américains, promouvant notamment le système de défense antiaérienne franco-italien SAMP-T qu’il juge supérieur au Patriot américain. Pour financer ce renforcement militaire, il évoque, au titre des « solutions de financement innovantes », la possibilité d’emprunts communs européens sur le modèle de ceux réalisés pendant la pandémie.
Sur le plan économique, Macron plaide pour une refonte complète du cadre fiscal européen établi en 1992, qu’il qualifie d’« obsolète ». Il souligne que l’Europe est « sous-exploitée » en termes de capacité d’endettement, alors qu’elle fait face à des besoins d’investissement majeurs dans les technologies émergentes, notamment l’intelligence artificielle, la transition écologique et la sécurité. Le président français appelle également à un allègement réglementaire, critiquant notamment la CSRD, la directive européenne sur la durabilité des entreprises, et les amendes « folles » (sic) prévues pour les constructeurs automobiles ne respectant pas les quotas de véhicules électriques.
Pas de négociations sans l’Ukraine et les Européens
Plusieurs dirigeants européens se sont exprimés jeudi. Pour Antonio Costa, le président du Conseil européen, « il n’y aura pas de négociations crédibles et fructueuses, pas de paix durable, sans l’Ukraine et sans l’UE ». Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, qui assure la présidence tournante, a appelé plusieurs de ses homologues (dont le chancelier allemand Olaf Scholz, le Suédois Ulf Kristersson, Friedrich Merz, le patron de la CDU, et Volodymyr Zelensky), le message, dit-il, est « clair ». Selon lui, « l’Ukraine, l’Europe et les États-Unis doivent être pleinement unis et s’engager dans des pourparlers de paix. »
Kaja Kallas, la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, s’est exprimée avant la réunion à l’Otan en réaction à la position américaine d’exclure toute adhésion de l’Ukraine à l’Otan. « Nous ne devrions rien exclure avant même que les négociations n’aient commencé, a-t-elle déclaré. Il est clair que tout accord conclu dans notre dos ne fonctionnera pas. Vous avez besoin des Européens, vous avez besoin des Ukrainiens. » Le président Macron note que le refus d’une adhésion de l’Ukraine à l’Otan avait été exprimé par Pete Hegseth (secrétaire à la Défense) et non par le président Trump lui-même. Comme s’il voulait y voir une marge de manœuvre.