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Guerre en Ukraine : Kiev et Moscou s’accusent mutuellement de détruire des ressources céréalières

La guerre en Ukraine est aussi une guerre de communication et de désinformation. Les deux armées qui s’affrontent sur le terrain ne font pas le même constat sur l’avancée des combats dans la ville de Severodonetsk : quand Moscou affirme avoir « totalement libéré » les zones résidentielles, Kiev assure réussir à repousser l’assaut. Par ailleurs, les deux pays s’accusent mutuellement de détruire les ressources céréalières de l’Ukraine, et d’ainsi largement participer à l’aggravation de la crise alimentaire mondiale.

A ce sujet, une rencontre entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu est prévue ce mercredi 8 juin, à Ankara (Turquie), pour tenter de créer des couloirs maritimes sécurisés pour l’exportation de céréales par la mer Noire.

  • Les combats acharnés pour Severodonetsk

Des combats intenses se poursuivent ce mercredi à Severodonetsk. Alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky vante la défense « héroïque » de cette ville-clef du Donbass, dans l’est du pays, les Russes affirment en avoir « totalement libéré » les zones résidentielles. « La prise de contrôle de sa zone industrielle et des localités voisines se poursuit », a assuré, mardi, dans un rare briefing télévisé, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou.

Cet état des lieux est contesté par Kiev. « Nos soldats réussissent à repousser l’assaut dans la ville de Severodonetsk », a assuré l’état-major ukrainien mercredi matin, ajoutant que la Russie intensifie aussi ses opérations à Bakhmout, dans la région de Donetsk.

« Il est très difficile de tenir Severodonetsk », a toutefois reconnu la veille Serguiï Gaïdaï, le gouverneur de la région de Lougansk, qui, avec celle de Donetsk, forme le Donbass. Il parle même de « mission impossible ». « Toutes les forces, toutes les réserves ont été mobilisées par l’ennemi, l’armée russe, pour couper la grande route Lyssytchansk-Bakhmout afin de prendre Severodonetsk. Ils bombardent très violemment Lyssytchansk », a déclaré le gouverneur.

  • « Besoin vital d’armes lourdes »

Les villes de Severodonetsk et Lyssytchansk, séparées par une rivière, constituent la dernière agglomération encore sous contrôle ukrainien dans la région de Lougansk. Leur prise ouvrirait aux Russes la route de Kramatorsk, grande ville de la région de Donetsk.

De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a assuré dans son adresse vidéo quotidienne, mardi soir, que « la situation sur le front n’a pas changé significativement ces 24 dernières heures » et que « la défense absolument héroïque du Donbass se poursuit ».

Mais pour cela, les soldats ukrainiens ont « un besoin vital d’armes lourdes qui peuvent contrer l’artillerie ennemie », a demandé M. Gaïdaï, réclamant de « l’artillerie occidentale ».

  • Lourdes pertes russes

Kiev se prévaut déjà d’avoir infligé un lourd bilan à son envahisseur. « Plus de 31 000 soldats russes sont morts en Ukraine », a affirmé M. Zelensky. « Depuis le 24 février, la Russie paie pour cette guerre complètement insensée près de 300 vies de ses soldats chaque jour. Mais il y aura un jour où, même pour la Russie, le nombre de pertes deviendra inacceptable », a-t-il ajouté.

Aucun bilan n’est vérifiable. Toutefois, la mort d’un général russe, Roman Koutouzov, a été confirmée mardi par le chef des séparatistes prorusses Denis Pouchiline. Plusieurs généraux russes ont perdu la vie depuis février, mais Moscou communique rarement sur ses pertes.

  • Bataille de communication autour des céréales

Les deux belligérants s’accusent mutuellement de détruire les ressources céréalières et d’aggraver ainsi la crise alimentaire mondiale. « Ceux qui prétendent s’inquiéter de la crise alimentaire mondiale frappent en fait les champs et les infrastructures agricoles, où les incendies se déclarent à une échelle impressionnante », a dénoncé mardi soir le Commandement opérationnel ukrainien pour le front sud, évoquant notamment des frappes autour de Mykolaïev.

Dans le même temps, le ministère russe de la Défense a assuré que les forces ukrainiennes « ont incendié à dessein un important dépôt de céréales » dans le port de Marioupol. « Plus de 50 000 tonnes de céréales ont ainsi été détruites », a assuré le général Mikhaïl Mizintsev, accusant le régime de Kiev de « terrorisme alimentaire à l’égard de son propre peuple ».

  • Rencontre à Ankara

La création de couloirs maritimes sécurisés pour l’exportation de céréales par la mer Noire sera au coeur des discussions qui se tiennent ce mercredi, à Ankara, entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue turc Mevlüt Cavusoglu.

M. Lavrov, arrivé hier en Turquie, évoquera la possibilité pour l’Ukraine d’exporter ses récoltes bloquées dans ses ports. Un blocage qui fait flamber les prix et agite la menace d’une famine dans certains pays d’Afrique et du Moyen-Orient. « Si nous devons ouvrir le marché international ukrainien, nous pensons que lever les obstacles aux exportations russes est légitime », a déclaré M. Cavusoglu, ce mercredi.

A la demande de l’ONU, la Turquie a proposé son aide pour escorter les convois maritimes depuis les ports ukrainiens, malgré la présence de mines dont certaines ont été détectées à proximité des côtes turques. La presse ukrainienne a assuré que « les Nations unies et l’Ukraine » seraient associées aux discussions de mercredi, mais l’ambassade d’Ukraine à Ankara a démenti tout contact entre l’ambassadeur Vasyl Bodnar et M. Lavrov.

  • Répertoire des crimes de guerre

Mardi soir, Volodymyr Zelensky a aussi annoncé la publication la semaine prochaine d’un « Livre des bourreaux ». Cette base de données compilera les informations sur les crimes de guerre et les soldats russes accusés de les avoir commis.

Le chef d’Etat ukrainien promet que les personnes ayant donné les ordres seront aussi citées. « J’ai souligné à plusieurs reprises qu’ils seront tous tenus pour responsables. Et nous nous y dirigeons étape par étape », a affirmé le président ukrainien. « Tout le monde sera traduit en justice », a-t-il encore promis.

Fin mai, la justice ukrainienne avait affirmé avoir identifié « quelques milliers » d’affaires de crimes de guerre présumés dans le Donbass.