Airbus, Kretinsky, dette… La stratégie d’Atos pour enrayer sa chute
Le groupe ouvre une phase de due diligence avec Airbus en vue de la cession des activités cybersécurité et big data, envisage de réduire l’augmentation de capital prévu pour Eviden, et a engagé des discussions avec ses partenaires bancaires pour garantir sa pérennité financière.
La réaction d’Atos était attendue. Après plusieurs semaines de mouvement autour du groupe, la nouvelle montée au capital de l’actionnaire OnePoint dirigé par David Layani, l’intérêt renouvelé d’Airbus pour les activités cybersécurité et big data, la situation toujours complexe de l’endettement et la cession en cours des activités d’infogérance à Daniel Kretinsky, le fleuron français est sorti du bois ce mercredi matin avec un vaste point destiné à informer les marchés et ses parties prenantes.
L’annonce la plus importante concerne l’ouverture avec Airbus d’une phase de due diligence autour des activités de BDs (cybersécurité et big data). Ces dernières semaines, l’avionneur européen est revenu en force dans le dossier, comme Le Figaro l’a révélé. Atos confirme avoir reçu une marque d’intérêt de l’avionneur, qui valorise les activités de BDs entre 1,5 à 1,8 milliard d’euros. Une deuxième marque d’intérêt, d’un acteur dont Atos n’a pas voulu dévoiler le nom, a également été reçue.
Mais elle portait sur une partie seulement du périmètre de BDs, quand celle d’Airbus porte sur l’intégralité. «Actuellement à un stade préliminaire, les discussions avec Airbus vont progresser et le marché sera informé en temps voulu de leur issue», explique Atos, qui espère un premier dénouement au premier trimestre 2024.
La cession à Kretinsky prend plus de temps
Cette cession d’actif sera déterminante, et notamment au regard des autres mouvements en cours. À l’été, le groupe avait notamment lancé une importante augmentation de capital (au moins 900 millions d’euros) pour les activités d’Eviden. Très risquée, vu l’atonie du cours de Bourse. Mais si l’opération avec Airbus aboutit, Atos pourrait avoir besoin de moins d’argent frais.
En tout état de cause, l’augmentation de capital, et la cession éventuelle d’autres actifs, dépendront également de l’issue des négociations avec Daniel Kretinsky sur la vente des activités d’infogérance (Tech Foundations). L’opération devrait en théorie être conclue au deuxième trimestre 2024, mais les discussions « prennent plus de temps que prévu, et il n’y a aucune certitude qu’elles aboutissent à un accord», a indiqué ce mercredi Paul Saleh le directeur financier d’Atos.
La question du prix, la structure de l’opération et le transfert d’une grande partie des passifs sont encore en discussion. De même que les conditions dans lesquelles le milliardaire tchèque, pourrait être libéré de l’obligation de participer à l’augmentation de capital prévue pour Eviden. Une opération à laquelle sa holding EP Equity Investment devait participer à hauteur de 200 millions, mais pour laquelle David Layani, désormais premier actionnaire d’Atos, souhaite libérer Daniel Kretinsky.
La pérennité d’Eviden en question
D’aucuns pourraient s’inquiéter de la pérennité d’Eviden, une fois coupé des activités stratégiques de cybersécurité et de big data. Mais la direction se veut confiante. L’entité Eviden représente aujourd’hui 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 52.000 personnes. «Même en retirant BDs, il restera un groupe d’environ 4 milliards de revenus, plus de 40.000 employés, positionné sur des métiers en forte croissance comme le cloud et le digital. Un groupe allégé de ses dettes qui pourrait ainsi procéder à certains investissements pour développer son modèle», remarque un proche du groupe.
Autre sujet évoqué et pas des moindres, la situation de la dette, qui s’élève à pas moins de 5 milliards d’euros bruts et met le groupe sous grosse tension. Fin novembre, l’agende S&P avait déclaré que Atos pourrait rencontrer des problèmes de liquidités pas plus tard que début janvier. La prochaine maturité de dette est prévue pour novembre 2024 (500 millions d’euros), mais les échéances de 1,5 milliard en janvier 2025 et de 750 millions en mai 2025 obligent le groupe à se tourner vers ses banquiers dès maintenant.
Dans le communiqué publié ce matin, le groupe fait du remboursement et du refinancement des dettes une priorité et évoque la priorité d’obtenir de nouveaux financements avec ses partenaires bancaires. «Si l’issue des discussions avec les banques s’avère incertaine, on pourra avoir recours à des mécanismes de protection juridiques pour nos financiers», précise encore Paul Saleh, le directeur financier d’Atos, sans en dire plus sur la nature de ces mécanismes.
Valse au conseil d’administration
Enfin, la valse au conseil d’administration continue. Trois membres – Valérie Bernis, Aminata Niane, Vernon Sankey-, en poste depuis près de 10 ans quittent le navire à l’aune de sa transformation. Le départ de René Proglio, administrateur depuis avril 2022, est lui plus polémique. En opposition frontale avec le projet de scission d’Atos qu’il juge défavorable aux actionnaires, il a envoyé fin octobre un courrier à l’Autorité des Marchés financiers, s’inquiétant «des dysfonctionnements graves dans le fonctionnement du conseil».
Pour remplacer les partants, Atos a décidé de nommer François Mercadal-Delassalles et Jean-Jacques Morin pour les remplacer. Deux profils qui renforcent les compétences du conseil dans le domaine du numérique et des technologies numériques, indique Atos. D’autres mouvements sont à prévoir d’ici peu, d’autant qu’Atos doit également faire de la place dans sa gouvernance pour son premier actionnaire, OnePoint. Ce dernier a réclamé trois sièges mi-décembre.
Source : lefigaro.fr