Crise énergétique : ce qu’il faut retenir des propositions de l’Union européenne
Dans un contexte de tensions sur le marché de l’électricité qui fait planer le spectre d’un hiver noir, la Commission européenne a détaillé mercredi ses propositions pour enrayer la flambée des prix du gaz et de l’électricité.
La Commission européenne veut se servir dans les superprofits). C’est l’un des principaux enseignements du discours d’Ursula von der Leyen sur l’état de l’Union européenne, ce mercredi 14 septembre. Lors de ce traditionnel rendez-vous de rentrée au Parlement européen, la présidente de la Commission était très attendue. L’ancienne ministre de la Défense allemande a présenté les principales propositions émanant des différents chefs d’Etat européens et de leurs ministres de l’Energie afin de contenir l’explosion des factures d’électricité. Des observateurs craignent la perspective d’un hiver où les coupures seraient fréquentes. La France a promis qu’il n’y aurait aucun black-out sur son sol, d’autres Etats de l’UE doivent faire face à une situation plus critique.
La Commission européenne entend agir et Ursula von der Leyen a centré son discours de rentrée sur ce dossier brûlant. Bruxelles insiste ainsi pour réclamer « une contribution temporaire de solidarité » aux producteurs et distributeurs de gaz, charbon et pétrole, qui réalisent des bénéfices massifs grâce à la flambée des cours. « Ces grandes entreprises doivent donc payer une juste part, verser une contribution de crise », a expliqué Ursula von der Leyen.
Selon le projet consulté par l’AFP, la contribution serait fixée à 33% des superprofits, soit des bénéfices supérieurs de plus de 20% à la moyenne des années 2019-2021. Elle prévoit également de plafonner les revenus des producteurs d’électricité, en provenance du nucléaire et du renouvelable, qui accumule des bénéfices hors-norme en commercialisant leur énergie à un prix dépassant très largement le coût de production. La commission propose de fixer ce plafond à 180 €/mégawattheure. Le charbon et le méthane sont exclus du mécanisme.
140 milliards d’euros de liquidités
Si l’envolée des prix est si grande, c’est avant tout lié au principe du « coup marginal », structurant le marché européen de l’énergie, qui consiste à prendre comme référence le prix de la ressource la plus élevée et ainsi lisser les prix sur un référentiel commun à travers le continent. C’est une décision majeure, s’inspirant de la dérogation ibérique accordée au Portugal et à l’Espagne il y a quelques semaines, qui rompt avec le système tarifaire européen.
La différence entre le revenu et le prix de gros du marché sera récupérée par les Etats pour être distribuée aux ménages et aux entreprises. Selon les prévisions d’Ursula von der Leyen, l’entrée de ce dispositif permettra de lever « plus de 140 milliards d’euros ». C’est une réforme en profondeur du marché de l’électricité européen qui se profile.
Le gaz russe épargné
Si l’idée du plafonnement des revenus des producteurs d’électricité d’origine nucléaire et renouvelable a été retenue, la Commission a renoncé à une opération similaire concernant le prix du gaz. Les cadres européens avaient, un temps, envisagé de fixer une limite au prix payé à la Russie pour ses livraisons de gaz, dans la perspective d’assécher encore un peu plus les finances du Kremlin. Une initiative à laquelle s’étaient vivement opposés les pays de l’est, fortement dépendants du gaz russe.
Ursula von der Leyen a dans le même temps précisé que l’Union européenne n’excluait pas de plafonner le prix de la globalité des importations de gaz vers l’Europe, mais l’équilibre d’une telle décision est fragile. Comme l’ont rappelé divers économistes, une pratique commerciale de cet ordre pourrait saborder l’attractivité du marché européen, notamment à l’égard des fournisseurs de gaz naturel liquéfié.
Objectifs fixés
Autre mesure annoncée par la Commission : inscrire dans le marbre un objectif contraignant visant à ce que chaque pays réduise « d’au moins 5% » sa consommation d’électricité durant les heures dite pleines, à savoir celles où l’électricité est la plus chère. Selon sa présidente, le respect du taux permettrait de réduire de 3,8% la consommation de gaz. Ursula von der Leyen a d’ailleurs fixé un autre objectif, cette fois-ci indicatif, de réduction la consommation mensuelle de 10%.
Bruxelles s’est également affiché comme un soutien aux entreprise du secteur de l’énergie en manque de liquidités. Il est prévu d’assouplir le cadre réglementaire et d’instituer des mécanismes anti-spéculation pour faire face à la volatilité des prix et limiter les fluctuations des marchés. « Nous modifierons l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’Etat en octobre, afin de permettre la fourniture de garanties publiques », a annoncé Ursula von der Leyen ce mercredi.
Pour répondre à la crise énergétique dans une perspective à plus long terme, l’UE devrait créer une nouvelle banque publique dédiée au développement de l’hydrogène. L’enjeu ? Construire « le futur marché de l’énergie » et être moins dépendant des exportations. Les ministres européens de l’Energie de l’UE doivent se prononcer sur ces propositions lors d’une réunion extraordinaire le 30 septembre à Bruxelles.