Plan de Trump pour Gaza : les impératifs d’une paix encore insaisissabl
S’il n’est accompagné par aucun effort diplomatique significatif, le succès incontestable obtenu le 13 octobre par Donald Trump, avec la libération des otages israéliens et l’arrêt des bombardements sur Gaza, ne sera qu’un retour à la situation qui prévalait à la veille du 7 octobre 2023.
Le calvaire des derniers otages israéliens encore vivants a enfin cessé. Celui des Palestiniens de Gaza, soumis aux bombardements israéliens indiscriminés depuis les massacres du 7 octobre 2023 perpétrés par le Hamas, également. Près de 2 000 prisonniers palestiniens ont aussi recouvré la liberté en échange de ces libérations.
Le mérite de cet épilogue revient au président des Etats-Unis, Donald Trump, venu sur place, lundi 13 octobre, récolter les fruits de sa détermination à mettre fin à une offensive israélienne dont le sens échappait depuis longtemps à toute rationalité et qui a anéanti l’étroite bande de terre.
En Israël, la joie indescriptible des familles enfin réunies ne fait pas oublier le souvenir des morts du 7-Octobre et de ceux qui n’ont pas survécu à leur captivité, pas plus que le calme retrouvé à Gaza n’efface l’effroyable tribut versé par les civils palestiniens, mais, pour la première fois depuis deux ans, la question du « jour d’après » peut enfin être posée sans être étouffée par le fracas des armes.
Ce « jour d’après », pourtant, reste en l’état insaisissable. Le volontarisme déployé, le 13 octobre, par Donald Trump à la tribune de la Knesset, le Parlement israélien, puis lors du sommet de Charm El-Cheikh, en Egypte, ne peut masquer les imprécisions du plan qu’il a présenté à la Maison Blanche le 29 septembre, dont l’ambition est de mettre fin au conflit israélo-palestinien. Avec son emphase coutumière, le président des Etats-Unis a annoncé une « aube nouvelle » et un « âge d’or » pour le Proche et le Moyen-Orient. Faire en sorte qu’ils puissent se matérialiser implique que les leçons soient tirées de la mécanique infernale qui a conduit à l’injustifiable déchaînement de violence du 7-Octobre.
Il s’agit tout d’abord du blocus impitoyable imposé par Israël à la bande de Gaza après le coup de force du Hamas, en 2007, qui visait officiellement à l’empêcher de nuire. Les grandes puissances doivent également mesurer les conséquences de leur passivité passée alors que les opinions publiques, y compris aux Etats-Unis, se sont mises en branle pour dénoncer l’évidente injustice faite aux Palestiniens. Washington s’est habitué à sous-traiter ce conflit à Israël, qui a tout mis en œuvre pour réduire, en Cisjordanie, l’Autorité palestinienne à un rôle de supplétif.
Les pays européens sont restés tout aussi apathiques. Le comportement d’Israël à l’égard des Palestiniens et son entreprise brutale de colonisation contredisaient pourtant l’esprit et la lettre de l’accord d’association liant l’Etat hébreu à l’Union européenne. Certains Etats arabes, en normalisant sans conditions avec Israël, ont également participé à une tentative d’occultation qui a pris fin dans un terrible bain de sang.
S’il n’est accompagné par aucun effort diplomatique significatif, le succès incontestable obtenu, le 13 octobre, par Donald Trump ne sera qu’un retour à la situation qui prévalait à la veille du 7 octobre 2023. Une telle situation condamnera deux peuples enfermés dans leurs traumatismes à vivre dans l’angoisse de nouveaux carnages.
L’histoire a montré ce dont les deux protagonistes de ce conflit sont capables lorsqu’ils se retrouvent livrés à eux-mêmes : l’impéritie, la division et la fuite en avant barbare pour les Palestiniens, l’hubris, l’aveuglement et le jusqu’au-boutisme messianique pour les Israéliens. Parvenir à la paix juste que la solution à deux Etats pourrait garantir suppose donc l’engagement et la constance de tous. On en est encore très loin.
Source : lemonde.fr