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«Partygate»: défié par son propre camp, Boris Johnson s’offre une victoire à la Pyrrhus

Sous pression, le Premier ministre britannique a survécu lundi soir à un vote de défiance de la part des députés tories déclenché notamment en raison du «partygate», les fêtes à Downing Street pendant les confinements. Mais la marge de sa victoire est mince.

Inoxydable. Soumis ce lundi soir à un vote de défiance, le Premier ministre britannique a de nouveau survécu. Sur les 359 députés tories, 211 ont voté en faveur du maintien de la confiance à Boris Johnson, au pouvoir depuis juillet 2019. Ils sont 148 députés à avoir voté contre le Premier ministre. C’est une victoire, mais en demi-teinte, tant l’écart est finalement mince. Theresa May, que Boris Johnson avait remplacé en juillet 2019, avait aussi gagné un vote de défiance, mais avec une bien plus large marge, 200 voix contre 117. Elle avait été contrainte à la démission six petits mois après ce vote.

Toute la journée, l’entourage de Boris Johnson avait assuré, affichant un air serein, que ce vote serait un bon moyen de crever l’abcès du «partygate», le scandale des sauteries tenues à Downing Street durant la pandémie, et de «passer à autre chose». Mais plus l’heure de l’annonce du résultat du vote, qui s’est tenu dans une salle du parlement de Westminster entre 18 heures et 20 heures locale (19 heures et 21 heures à Paris), avançait, plus les visages se sont crispés, tant l’incertitude régnait et alors que les rumeurs bruissaient sur un résultat finalement très serré.

Coups de fil et bombardement médiatique

A 22 heures ce lundi, le résultat est tombé. Une fois de plus, Boris Johnson, malmené depuis des mois, a sauvé sa tête. Mais la faible majorité de sa victoire fragilise un peu plus l’unité au sein des rangs conservateurs et sa position que plus personne n’ose qualifier de sûre. Les rebelles, au nombre de 148, auraient dû atteindre les 180 pour pouvoir espérer se débarrasser d’un chef devenu embarrassant et dont la popularité s’effondre. Il ne leur a manqué que 32 voix, c’est peu. Ces députés excédés, dont les noms resteront pour la plupart anonymes, devront désormais en principe attendre un an avant de pouvoir déclencher un nouveau vote de défiance contre Boris Johnson.

Tout au long de la journée, la garde rapprochée du Premier ministre avait enchaîné les interviews télés et radios afin de défendre le bilan du chef du gouvernement. Boris Johnson est celui à l’origine «de la campagne de vaccination à succès pour lutter contre le Covid», celui qui «aide l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe», celui qui a accouché d’un accord sur le Brexit et, surtout, il est «toujours un atout électoral sans personne pour rivaliser à l’heure actuelle», n’ont-ils cessé de martelé. Pour la ministre de la Culture, Nadine Dorries, une des très fidèles de Boris Johnson, cette motion de défiance n’était que l’œuvre d’un nombre réduit de militants «anti-Brexit très organisés, voire de personnes qui souhaitaient devenir Premier ministre», a-t-elle avancé, sans la moindre ironie, sur Sky News. Affirmant que la rébellion n’aurait rien à voir avec le «partygate» ou le fait que Boris Johnson ait soutenu pendant des mois qu’il n’y avait pas eu de soirées à Downing Street durant la pandémie. Des informations réfutées par Graham Brady, le président du comité 1922 chargé des questions d’organisation interne du parti.

Dès lundi matin, le dirigeant tory avait commencé à envoyer des lettres à chacun des 359 députés, puis appelé la plupart d’entre eux personnellement. Deux heures avant le vote, il a réuni les tories à l’occasion d’un dernier plaidoyer en sa faveur, pendant une petite demi-heure. Là, le Premier ministre s’est dit «heureux que le vote ait enfin lieu» car c’est une chance «d’arrêter de parler de nous-mêmes [du parti] et de commencer à parler exclusivement de ce que nous faisons pour les gens de ce pays». Avant de rappeler que le parti avait «remporté la plus grande victoire électorale des conservateurs depuis quarante ans» sous sa direction, en décembre 2019, et qu’il allait continuer ainsi. Le camp Johnson veut croire qu’une motion de défiance n’est qu’une formalité et va permettre au gouvernement de se concentrer sur des «choses plus importantes».

L’épée de Damoclès toujours bien suspendue

En réalité, même si le Premier ministre a remporté ce vote, il a perdu la confiance de près de 150 de ses parlementaires. C’est énorme. Le chef du gouvernement devra maintenant gérer une majorité extrêmement divisée. Enfin, en politique britannique, les votes de défiance sont souvent l’annonce de périodes compliquées à venir. Ce fut donc le cas pour l’ancienne Première ministre, Theresa May. En 2018, elle aussi remportait donc une motion de défiance, bien plus largement que Boris Johnson. Six mois plus tard, malmenée par son propre parti et incapable de trouver un compromis sur les questions du Brexit, elle était poussée à la démission par, notamment… Boris Johnson, son successeur.

Depuis quelques jours, Johnson s’était pourtant employé à convaincre sa majorité, excédée par des mois de scandale du «partygate», de le garder à son poste. La parenthèse festive du jubilé de platine célébrant les soixante-dix ans de règne d’Elizabeth II à peine refermée, l’heure était aux doigts qui se croisent pour son 14e chef de gouvernement, sur un siège éjectable en raison de l’affaire des fêtes à Downing Street pendant les confinements, relancée fin mai par un rapport dévastateur détaillant les violations des règles anti-Covid.

Les événements se sont précipités ce lundi matin lorsque le président du comité 1922 du Parti conservateur, Graham Brady, a annoncé que le seuil fatidique des 54 lettres de députés, soit 15 % du groupe parlementaire, demandant le départ de Boris Johnson, avait été atteint.

Lundi soir, quelques minutes après avoir voté la confiance en lui-même, Boris Johnson est retourné s’enfermer à Downing Street. Dans la voiture qui l’emmenait pour les quelques 300 mètres qui séparent le parlement de Westminster de la résidence du Premier ministre, il est apparu extrêmement crispé. Quelques minutes après le résultat, Boris Johnson a jugé lors d’une déclaration télévisée le résultat du vote «convaincant». C’est un «résultat convaincant, un résultat décisif», a-t-il commenté. «En tant que gouvernement, nous pouvons passer à autre chose et nous concentrer sur les choses qui comptent vraiment», a-t-il ajouté. Pourtant, dans les couloirs du Parlement, dans les commentaires aux médias, on ne décelait ni jubilation ni triomphalisme. Les visages et les paroles étaient graves. Cette soirée, ce vote, même victorieux, représentent un moment de division majeur pour le parti conservateur, où tout le monde y perd. Probablement Boris Johnson le premier.