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Niger : « La diplomatie est la meilleure voie à suivre », considère le président de la Cedeao

Le régime militaire issu du coup d’Etat avait informé la Cedeao, peu avant, qu’elle ne pourrait pas venir pour l’instant, évoquant des conditions « de sécurité » après l’imposition de sanctions par le bloc ouest-africain.

Le président du Nigeria, Bola Tinubu, également à la tête de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), a jugé mardi 8 août que « la diplomatie » était la « meilleure voie à suivre » pour résoudre la crise au Niger, selon des propos rapportés à la presse par son porte-parole, Ajuri Ngelale. Le Nigeria, qui assure la présidence tournante de l’organisation régionale ouest-africaine, s’exprimait pour la première fois depuis l’expiration dimanche de son ultimatum aux putschistes.

M. Tinubu et les dirigeants des autres pays du bloc ouest-africain « préféreraient une résolution obtenue par des moyens diplomatiques, par des moyens pacifiques, plutôt que tout autre », a ajouté le porte-parole, précisant que cette position serait maintenue « en attendant toute autre résolution qui pourrait ou non résulter du sommet extraordinaire de la Cedeao prévu jeudi ». « Aucune option n’a été écartée par la Cedeao », a toutefois précisé le porte-parole. « Chaque vie humaine compte, et cela signifie que chaque décision prise par le bloc [ouest-africain] le sera en tenant compte de la paix, de la stabilité et du développement non seulement de la sous-région, mais aussi du continent africain », a-t-il dit.

La Cedeao avait menacé d’une possible intervention militaire pour rétablir dans ses fonctions le président Mohamed Bazoum, renversé par un coup d’Etat le 26 juillet. La menace, sous forme d’un ultimatum de sept jours fixé aux militaires nigériens le 30 juillet par les dirigeants de la Cedeao, n’a pas été mise à exécution à l’expiration du délai dimanche soir. Un nouveau sommet des chefs d’Etat de la Cedeao sur la situation au Niger est prévu jeudi à Abuja, capitale du Nigeria. « Nous nous attendons à ce que d’importantes décisions soient prises » lors de ce sommet, a ajouté le porte-parole, sans donner plus de précisions.

Un premier ministre civil nommé lundi soir

Peu de temps avant cette déclaration, le régime militaire issu d’un coup d’Etat avait informé la Cedeao, dont une délégation voulait se rendre à Niamey, qu’elle ne pourrait pour l’instant pas venir pour des raisons « de sécurité ». « Le contexte actuel de colère et de révolte des populations suite aux sanctions imposées par la Cedeao ne permet pas d’accueillir ladite délégation dans la sérénité et la sécurité requises », précisait une lettre officielle du ministère des affaires étrangères nigérien adressée à la représentation de la Cedeao à Niamey.

« Le report de la mission annoncée » pour mardi « à Niamey s’avère nécessaire, tout comme la révision de certains aspects du programme, dont les rencontres avec certaines personnalités qui ne peuvent avoir lieu pour des raisons évidentes de sécurité, dans cette atmosphère de menace d’agression contre le Niger », ajoute cette lettre datée de lundi et dont l’Agence France-Presse (AFP) a obtenu copie mardi.

L’annulation de la visite de la délégation ouest-africaine, confirmée un peu plus tard par la Cedeao elle-même, s’ajoute à un autre signe de défiance de la part des nouveaux dirigeants nigériens : la nomination lundi soir d’un premier ministre civil, Ali Mahaman Lamine Zeine, qui apparaît comme la première étape vers la désignation d’un gouvernement de transition.

Les Etats-Unis, partenaire privilégié avec la France dans la lutte contre les groupes djihadistes qui minent ce pays et une grande partie de la région du Sahel, ont également tenté le dialogue.

La numéro deux de la diplomatie américaine, Victoria Nuland, est venue lundi à Niamey pour rencontrer les auteurs du coup d’Etat, réunion à laquelle n’a pas participé le général Abdourahamane Tiani, nouvel homme fort du Niger. Elle n’a pas non plus rencontré le président Mohamed Bazoum, assigné à résidence à Niamey depuis sa chute il y a près de deux semaines. Les discussions auxquelles a notamment participé le nouveau chef d’état-major de l’armée, le général Moussa Salaou Barmou, « ont été extrêmement franches et par moments assez difficiles », a-t-elle reconnu. Elle a dit avoir proposé « de nombreuses options » pour mettre fin au coup d’Etat, ajoutant : « Je ne dirais pas que cette offre a été prise en compte de quelque manière que ce soit. »

Politique de prédation de Wagner

« Il est certain que la diplomatie est le moyen préférable pour résoudre cette situation », a pour sa part déclaré à la radio française RFI le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken. Dans un entretien à la BBC britannique, il a ensuite averti que la société de mercenaires russe Wagner, déjà installée au Mali, profitait de l’instabilité au Niger voisin. « Je pense que ce qu’il s’est passé (…) au Niger n’a pas été orchestré par la Russie ou par Wagner, mais (…) ils ont essayé d’en profiter », a déclaré M. Blinken, prévenant : « Partout où Wagner s’est rendu, morts, destructions et exploitation se sont ensuivies ».

Wagner offre un catalogue de services aux régimes africains en difficulté. Au Mali et en Centrafrique, il protège le pouvoir en place, propose des formations militaires, voire des conseils juridiques pour réécrire le code minier ou la Constitution. En échange, il pratique la prédation et se paie sur les ressources locales, notamment minérales. De Niamey, l’adjointe d’Antony Blinken a dit que « les personnes qui ont pris cette décision [du coup d’Etat au Niger] comprennent très bien les risques que fait courir à leur souveraineté une invitation de Wagner ».

La France, ancienne puissance coloniale régulièrement vilipendée lors de manifestations en Afrique de l’Ouest, a déclaré mardi qu’elle appuyait « les efforts des pays de la région pour restaurer la démocratie » au Niger.

Si les relations des nouveaux maîtres de Niamey sont tendues avec les pays occidentaux et la plupart des pays africains qui ont condamné le coup d’Etat, elles sont excellentes avec le Mali et le Burkina Faso, également dirigés par des militaires ayant pris le pouvoir par la force, respectivement depuis 2020 et 2022.

Les deux pays ont affiché leur solidarité avec le Niger, affirmant que si le pays était attaqué par la Cedeao, ce serait « une déclaration de guerre » pour eux. Mardi, ils ont adressé des lettres conjointes aux Nations unies et à l’Union africaine, en appelant à leur « responsabilité » pour empêcher « toute intervention militaire contre le Niger dont l’ampleur des conséquences sécuritaires et humanitaires serait imprévisible ».

Le nouveau régime peut aussi compter sur le soutien de ses partisans à Niamey, dont 30 000 se sont rassemblés dimanche dans un stade pour lui témoigner leur soutien, brandissant des drapeaux russes et huant la France et la Cedeao.

Source : LeMonde