Culture

«Marrakech», la première peinture marocaine de Winston Churchill mise aux enchères au Canada

Le 19 novembre, la maison Heffel organise une vente aux enchères en direct intitulée «Un héritage par l’art: la collection de la Compagnie de la Baie d’Hudson». Parmi les vingt-sept œuvres qui composent cette collection figure une splendide toile de Winston Churchill, «Marrakech».

Huile sur toile réalisée vers 1935, «Marrakech» a été offerte par Winston Churchill à son épouse, Lady Clementine Ogilvy Spencer-Churchill. En 1954, Churchill fut nommé Grand Seigneur de la Compagnie des Aventuriers d’Angleterre faisant le commerce dans la Baie d’Hudson, un titre honorifique décerné en reconnaissance de son prestige international. En guise de remerciement, Sir Churchill accepta de faire don d’un tableau précédemment offert à son épouse, malgré sa réticence bien connue à se séparer de ses toiles. «Marrakech» sera ainsi offerte à la Compagnie de la Baie d’Hudson en 1956. De tels dons étaient extrêmement rares, soulignant l’estime que Churchill portait à la Compagnie et le poids symbolique de cette toile.

Estimée entre 400.000 CAD (2.615.439 DH) et 600.000 CAD (3.923.158 DH), cette œuvre de Winston Churchill, visible dans les espaces d’exposition de Toronto de la maison de vente Heffel témoigne de l’amour que portait Winston Churchill à la ville ocre et à sa lumière si particulière.

La première toile marocaine de Churchill

Datée de 1935, cette peinture correspond à l’année où Churchill entreprit un voyage à travers l’Afrique du Nord, du Caire à Tunis, puis à Marrakech via Casablanca. Ce voyage a eu lieu pendant ses années hors du pouvoir et lui a principalement servi de vacances picturales. «Ce fut sa première rencontre avec le Maroc, inspirée en partie par le peintre Sir John Lavery, qui avait loué la lumière exceptionnelle de la région. À son arrivée à Marrakech, Churchill fut immédiatement captivé par les couleurs, l’éclat et le charme de la ville», explique-t-on dans le catalogue de la vente aux enchères.

A cet égard, il écrivit plus tard: «Ici, dans ces vastes palmeraies surgissant du désert, le voyageur peut être assuré qu’il ne trouvera jamais le monde ennuyeux». Ce sentiment d’émerveillement et de renouveau imprègne «Marrakech», réalisée lors d’un séjour décisif où Churchill, loin des affaires de l’État, découvrit dans la peinture un refuge apaisant et une source d’inspiration nouvelle.

Au sujet de cette œuvre, poursuit-on ainsi dans le catalogue, « »Marrakech » est une expression rare et intime de cet univers privé, où il a déposé le fardeau du leadership et a pris le pinceau en quête de couleur, de paix et de sens personnel». Pour Churchill, c’était un sanctuaire, un lieu de lucidité et d’inspiration visuelle, loin du poids de la vie politique.

Un tournant dans l’évolution artistique de Churchill

«Contrairement à ses premières œuvres plus hésitantes, Churchill témoigne ici non seulement d’une évolution technique, mais aussi d’une sensibilité accrue à l’ambiance et à l’environnement. Il peint avec clarté et conviction, embrassant le contraste et le rythme de la composition avec l’œil d’un artiste et l’assurance d’un homme d’État», analyse la maison Heffel.

Les tableaux de Churchill peints à Marrakech sont peu nombreux et chacun revêt une importance exceptionnelle, offrant un aperçu rare d’une facette profondément personnelle de sa vie. Mais contrairement à ses compositions antérieures, souvent empreintes d’une sobriété contemplative, «Marrakech» rayonne d’une intensité ensoleillée et d’une clarté émotionnelle, capturant non seulement la splendeur physique de la ville, mais aussi le profond sentiment de renouveau de l’artiste. «Il s’agit d’une peinture non seulement d’un lieu, mais d’un moment de ressourcement personnel, rendu en couleurs et en lumière par un homme temporairement libéré du poids des affaires internationales», explique-t-on.

La toile capture ainsi la beauté éthérée du paysage de la ville et représente un tournant dans le développement artistique de Churchill, s’éloignant des tons sourds de ses premières scènes européennes pour une palette plus riche et plus saturée, influencée par la chaleur et la lumière du Maroc. Visuellement, «Marrakech» révèle la main sûre mais sans prétention de Churchill, est-il expliqué, en préambule d’une analyse de l’œuvre.

Entre ombre et éclat, la poésie picturale de Churchill

«La toile resplendit d’ocres roses chauds, de feuilles de palmier vertes et d’un vaste ciel azur, entraînant le spectateur dans une scène à la fois intemporelle et profondément personnelle», décrit le catalogue de l’exposition.

«La composition est ancrée dans la chaleur des bâtiments baignés de soleil, rendus par des coups de pinceau épais et assurés qui se fondent délicatement dans l’horizon lointain. Trois petites figures apparaissent au premier plan, offrant une impression d’échelle et une narration sereine qui entraîne doucement le spectateur dans la scène. D’imposants palmiers s’élèvent avec une gracieuse verticalité, leurs ombres perturbant le rythme horizontal de l’architecture et conférant à l’œuvre une touche de vitalité régionale. Au-delà, une vaste étendue de ciel, clair mais discret, inonde l’arrière-plan, créant une atmosphère d’ouverture et de calme».

Autre particularité de «Marrakech», le traitement de la lumière, «particulièrement saisissant», avec la lumière dorée du soleil qui baigne les façades, projetant des ombres allongées et imprégnant le tableau d’un jeu subtil de mouvement et d’immobilité intemporelle. «La palette de Churchill est riche et pourtant sobre – ocres, terres de Sienne, roses poudrés et azur – évoquant à la fois la chaleur physique et la sérénité psychologique du paysage marocain».

Pour la maison Heffel, cette évolution artistique rapproche Churchill de l’œuvre d’Henri Matisse, un peintre qu’il admirait, qui s’inspira également de l’esthétique lumineuse du Maroc lors de ses visites à Tanger au début du 20ème siècle. «Bien que leurs approches stylistiques soient distinctes – celle de Matisse ancrée dans le fauvisme et l’abstraction, celle de Churchill dans le réalisme figuratif –, les deux artistes furent captivés par les couleurs saturées, l’architecture complexe et la lumière incandescente de la région», poursuit la maison de vente.

Source : fr.le360.ma