Manifestations en Iran : la révolte des petits-enfants de la révolution islamique
Les jeunes Iraniens qui manifestent contre le pouvoir des mollahs incarnent une nouvelle génération, qui ne se reconnait pas dans les préceptes de la révolution de 1979.
Hadis, 20 ans, Hananeh, 23 ans, Ghazaleh, 20 ans… Au prix de leur vie, elles faisaient partie de ces jeunes femmes et hommes qui expriment leur colère dans la rue contre le pouvoir iranien. Tous pris d’une passion pour la liberté qui semble sortie d’un livre d’histoire. La révolution de 1979 en Iran a chamboulé bien des vies et provoqué aussi tant d’incompréhension dans une partie des familles iraniennes.
Comment les petits-enfants des révolutionnaires de 1979 peuvent-ils comprendre aujourd’hui ce qui a poussé leurs grands-parents à se soulever contre le pouvoir du shah, à l’époque très ouvert sur l’Occident ? Même si la réalité du pouvoir du shah était bien moins reluisante, avec ses inégalités criantes, les enfants qui ont grandi dans la guerre (Iran-Irak), sous un voile (porté dès 9 ans), à l’isolement (de la communauté internationale), ont parfois dû rêver comme d’un eldorado perdu de cette époque pré-islamiste.
Alors que ces fils et filles des protestataires de 1979 ont déjà payé cher l’addition du soulèvement, qu’ils soient restés en Iran ou qu’ils aient dû se réinventer en exil, voici maintenant la nouvelle génération, celle des petits-enfants de la révolution. En Iran, plus de la moitié de la population a aujourd’hui moins de 35 ans pour une révolution qui en a 43. Les préceptes islamistes anachroniques ne parlent plus à ces instagrammeurs, polyglottes, amoureux de rock, de pop et de rap. Une génération dont la grande majorité veut s’aimer à ciel ouvert, ne peut plus vivre dans la duplicité à grande échelle de cette société aux deux visages : celui public, voilé et modeste, et l’autre privé, où l’on peut trouver alcool et lâcher-prise. Les jeunes femmes en particulier, majoritaires dans les universités, qui travaillent, conduisent, et aspirent à une indépendance dans un pays où elles ne peuvent ni chanter ni danser.
Cette génération rêve aujourd’hui de sortir l’Iran et les 2 500 ans de civilisation perse de la parenthèse obscurantiste qui frappe le pays depuis quatre décennies. Enfin ! Las de payer pour l’erreur de leurs grands-parents, ces jeunes qui choisissaient jusque-là l’exil – la fuite des cerveaux – ou la dérive – avec une consommation de drogues record – ont décidé aujourd’hui de crier leur colère contre les choix de leurs aînés. Nul ne sait où cela mènera, mais il y a fort à parier que malgré la mort et la répression, cette jeunesse ne peut plus vivre dans « l’absurdistan » des mollahs et continuera à chercher, par tous les moyens, d’y échapper.