Le Maroc se dote de sa première université dédiée à la musique et à la danse
À Rabat, l’Institut national de la musique et des arts chorégraphiques (INSMAC) vient d’ouvrir ses portes avec une première promotion de 35 étudiants, posant les bases d’un tournant historique pour la formation artistique au Maroc. Entre encadrement spécialisé et ambition académique, ce nouvel établissement marque une rupture avec les modèles classiques des conservatoires.
La musique et la danse font leur entrée à l’Université marocaine. Une formation doctorale inédite a été lancée lundi 13 octobre au sein de l’Institut national de la musique et des arts chorégraphiques (INSMAC), nouvellement rattaché au ministère de l’Enseignement supérieur. Situé à proximité du Théâtre Mohammed V de Rabat, l’établissement accueille sa première promotion, composée d’à peine 35 étudiants, marquant ainsi une étape historique dans la reconnaissance académique des disciplines artistiques.
Dans les couloirs encore neufs, l’enthousiasme est palpable. Certains viennent du conservatoire, d’autres de parcours plus classiques. Tous ont réussi un concours exigeant, précédé d’une étude de dossier ouverte à tous les bacheliers, quelle que soit leur filière. «Les candidats sont passés par un entretien oral et une performance: le musicien a joué, le chanteur a chanté, le chorégraphe a dansé…», raconte Aziz Ifzaren, directeur adjoint en charge des affaires pédagogiques.
Pour la filière instrumentale, un niveau préalable était requis, mais la danse a offert une marge plus ouverte. «Pour la chorégraphie, il n’était pas nécessaire d’avoir une formation académique solide, contrairement à l’instrumental», précise-t-il.
Un campus pensé comme un lieu de création
Avec plus de 9.000 m² répartis sur trois niveaux, l’INSMAC n’est pas un simple conservatoire rebaptisé. L’architecture signée Karim Chakor, celui qui a construit le Musée Mohammed VI d’art contemporain, traduit l’ambition du projet: studios d’enregistrement, salles de pratique chorégraphique, espaces d’enseignement, laboratoires sonores et un auditorium de 400 places.
Le bâtiment, prêt depuis quatre ans, n’attendait que l’accréditation du ministère de l’Enseignement supérieur pour démarrer.
Première promotion, première pierre
«L’INSMAC, c’est un vieux rêve qui vient de se réaliser », confie Aziz Ifzaren. La formation suit désormais le système Licence-Master-Doctorat (LMD). Cette année, les étudiants entament un tronc commun avant de choisir l’une des trois filières: musique instrumentale, musique vocale ou chorégraphie.
La priorité est claire: former des artistes capables de répondre aux standards internationaux sans renier leur culture d’origine. «On ne veut pas seulement de bons instrumentistes ou chorégraphes. On veut des profils complets, polyvalents, avec une profondeur artistique et, peut-être, une appétence pour la recherche», ajoute le directeur pédagogique.
L’établissement mise aussi sur la valorisation du patrimoine musical et chorégraphique marocain, souvent transmis oralement et rarement documenté dans l’enseignement supérieur.
Un corps professoral taillé sur mesure
Pour ce lancement, l’équipe enseignante, composée d’une douzaine d’enseignants, a été soigneusement constituée. On y retrouve des artistes de scène, des enseignants universitaires et des professionnels aguerris: le chorégraphe Khalid Benghrib, le musicologue Ahmed Aidoun, le chercheur Mouhcine Khannous, ainsi que des professeurs issus des conservatoires nationaux.
«Nos étudiants auront la chance d’être encadrés par des compétences qui connaissent aussi bien la scène que la pédagogie», souligne Ifzaren. Les modules couvrent la théorie musicale, l’acoustique, les techniques du son, le paysage chorégraphique marocain, ainsi que les langues et les power skills, devenus indispensables dans le secteur culturel.
Le grand auditorium n’a pas tardé à s’animer. Des masterclass ouvertes aux étudiants et au public sont organisées en partenariat avec des institutions étrangères. La violoniste marocaine Mounia Rizkallah, forte de plus de vingt ans d’expérience à l’Opéra de Berlin, y a donné une session remarquée.
Cette semaine, c’est le compositeur italien Damiano Giurano qui a pris le relais. Dans une déclaration pour Le360, cet enseignant universitaire s’est réjoui de voir au Maroc un établissement du calibre de l’INSMAC où les étudiants y apprennent l’art musical dans une belle atmosphère et dans des conditions optimales.
Un tournant pour la scène artistique marocaine
L’ouverture de l’INSMAC consacre un véritable changement de paradigme dans l’enseignement artistique au Maroc. Jusqu’à présent, les musiciens et danseurs marocains n’avaient d’autre choix que de se tourner vers des écoles privées, des conservatoires aux moyens limités ou l’apprentissage en autodidacte. Pour les étudiants de cette première cohorte, la portée symbolique est considérable: obtenir une reconnaissance universitaire tout en vivant pleinement leur art au quotidien. Quant au milieu culturel, il y voit l’amorce d’une nouvelle génération d’artistes, de chercheurs et de créateurs, porteurs d’un savoir académique et d’une sensibilité capable de nourrir et de transmettre l’excellence artistique aux générations à venir.
Source : fr.le360.ma
