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Le Japon demande « l’arrêt immédiat » des manœuvres militaires chinoises

L’armée chinoise a démarré les plus importantes manœuvres militaires de son histoire autour de Taïwan en réponse à la visite de Nancy Pelosi sur l’île.

La Chine a tiré jeudi des missiles qui auraient survolé Taïwan et seraient tombés pour la première fois dans la zone économique exclusive japonaise, au premier jour d’exercices militaires autour de Taïwan, en réponse à la visite de la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, à Taipei.

Le ministre japonais des Affaires étrangères, Yoshimasa Hayashi, a appelé jeudi à « l’arrêt immédiat » des manœuvres militaires chinoises. « Les actions de la Chine ont cette fois un impact grave sur la paix et la stabilité de la région. Je demande l’arrêt immédiat de ces manœuvres militaires », a-t-il déclaré à des journalistes à Phnom Penh, où il participait à une réunion de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean).

La Chine a « choisi de surréagir » à la visite de Nancy Pelosi en tirant 11 missiles balistiques autour de Taïwan jeudi, une activité militaire « provocatrice », a déclaré un porte-parole de la Maison-Blanche. Les États-Unis ont décidé de reporter un test de missile balistique intercontinental (ICBM) prévu dans les prochains jours « pour éviter une nouvelle escalade des tensions », a ajouté John Kirby au cours d’un point de presse.

« Au moment où la Chine mène des exercices militaires déstabilisateurs autour de Taïwan, les États-Unis se comportent, au contraire, comme une puissance nucléaire responsable en réduisant les risques de malentendus », a-t-il noté.

Une visite qui ne passe pas

Malgré les fermes avertissements de Pékin, qui considère Taïwan comme une de ses provinces, Nancy Pelosi, une des plus hautes responsables américaines, avait séjourné mardi et mercredi sur l’île, avant d’entamer jeudi une visite au Japon, dernière étape de sa tournée asiatique. L’initiative de Nancy Pelosi est considérée par la Chine comme une provocation, un soutien aux partisans de l’indépendance de Taïwan et un reniement de la promesse des États-Unis de ne pas avoir de relations officielles avec l’île.

En réponse, l’armée chinoise a lancé une série de missiles qui ont survolé Taïwan avant de tomber pour la première fois dans la zone économique exclusive (ZEE) du Japon, sous le couvert d’exercices militaires dans six zones maritimes autour de Taïwan, au niveau de routes commerciales très fréquentées et parfois à seulement 20 kilomètres des côtes taïwanaises.

Protestation du Japon

Quatre des cinq missiles balistiques chinois qui sont tombés dans la ZEE du Japon « auraient survolé l’île de Taïwan », a annoncé jeudi le ministère japonais de la Défense. Qualifiant l’incident de « problème grave qui affecte (leur) sécurité nationale et celle de (leurs) citoyens », le ministre de la Défense nippon, Nobuo Kishi, a précisé que « le Japon avait déposé une protestation auprès de la Chine par la voie diplomatique ».

De son côté, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a souligné que Washington avait pris contact avec Pékin « à tous les niveaux du gouvernement » ces derniers jours pour l’appeler au calme. « J’espère vraiment que Pékin ne provoquera pas une crise et ne cherchera pas un prétexte pour accroître ses opérations militaires agressives », a-t-il dit à ses collègues dans le cadre du sommet de l’Asean à Phnom Penh.

Vingt-deux avions de combat chinois sont brièvement entrés jeudi dans la zone de défense aérienne taïwanaise, a annoncé le ministre taïwanais de la Défense lors d’un briefing consacré aux manœuvres militaires chinoises. Les systèmes de défense antiaériens ont traqué activement les avions chinois, a-t-il ajouté sur son site Internet.

Les manœuvres, qui ont débuté jeudi à 4 heures (heure française), incluaient « des tirs de missiles conventionnels » vers les eaux au large de la côte est de Taïwan, avait indiqué Shi Yi, un porte-parole des forces militaires chinoises. « Tous les missiles ont atteint leur cible avec précision, testant les capacités de frappe de précision et de déni d’accès » à la zone, a-t-il souligné dans un communiqué. Condamnant des « actions irrationnelles qui minent la paix régionale », le ministère taïwanais de la Défense a confirmé que l’armée chinoise avait tiré « 11 missiles » balistiques de type Dongfeng « entre 13 h 56 et 16 heures dans les eaux au nord, au sud et à l’est de Taïwan ».

Tir et détonation

À Pingtan, une île chinoise située non loin des manœuvres en cours, des journalistes de l’AFP ont assisté jeudi après-midi au tir de plusieurs projectiles, qui se sont envolés dans le ciel après des détonations, laissant derrière eux des panaches de fumée blanche. À cet endroit de Chine continentale qui est le plus proche de Taïwan, les reporters ont également aperçu cinq hélicoptères militaires volant à basse altitude près d’un site touristique en bord de mer.

Les exercices militaires chinois doivent s’achever dimanche à midi. Selon le journal chinois Global Times, qui cite des analystes militaires, ces manœuvres sont d’une ampleur « sans précédent ». « Si les forces taïwanaises viennent volontairement au contact de (l’armée chinoise) et viennent à tirer accidentellement un coup de feu, (l’armée chinoise) répliquera avec vigueur et ce sera à la partie taïwanaise d’en assumer toutes les conséquences », a indiqué à l’AFP une source militaire anonyme au sein de l’armée chinoise.

Pour Pékin, ces manœuvres sont « une mesure nécessaire et légitime » après la visite de Nancy Pelosi. « Face à des provocations malveillantes qui enfreignent de manière aussi flagrante la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine, nos contre-mesures sont justifiées », a déclaré jeudi Hua Chunying, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Les exercices visent à simuler un « blocus » de l’île et incluent « l’assaut de cibles en mer, la frappe de cibles au sol et le contrôle de l’espace aérien », selon l’agence officielle Chine nouvelle.

Tensions récurrentes

Si l’hypothèse d’une invasion de Taïwan, peuplée de 23 millions d’habitants, reste peu probable, elle s’est amplifiée depuis l’élection, en 2016, de l’actuelle présidente Tsai Ing-wen. Issue d’un parti indépendantiste, Mme Tsai refuse, contrairement au gouvernement précédent, de reconnaître que l’île et le continent font partie « d’une même Chine ». Les visites de responsables et de parlementaires étrangers se sont également multipliées ces dernières années, provoquant l’ire de Pékin.

La Chine n’a toutefois aucune envie que la situation actuelle dégénère, déclarent des experts à l’AFP. « Une guerre accidentelle » provoquée par un incident « est la dernière chose que souhaite Xi Jinping » avant le congrès du PCC, estime Titus Chen, professeur de sciences politiques à l’université nationale Sun Yat-Sen à Taïwan. Amanda Hsiao, analyste Chine au cabinet de réflexion International Crisis Group, note toutefois que ces exercices « représentent une nette escalade par rapport à la norme des activités militaires chinoises autour de Taïwan et à la dernière crise du détroit de Taïwan en 1995-1996 ».