Le choix du réalisme : pourquoi Nairobi appuie désormais Rabat
Le Kenya a officiellement ouvert ce lundi son ambassade au Maroc, marquant ainsi le début d’une coopération bilatérale souhaitée depuis longtemps entre les deux pays. Cette avancée diplomatique marque un nouvel élan positif dans les relations politiques en dent de scie, entre les deux pays africains. Avec un appui au Plan d’autonomie marocain comme seule solution pour résoudre la question du Sahara, Nairobi est sorti de la zone grise… Retour sur les éléments de cette évolution.
L’ouverture d’une représentation diplomatique de Nairobi au Maroc est un signal fort qui laisse place à des perspectives prometteuses tant sur les plans économique que politique. Il s’agit d’un pas considérable que les deux pays attendaient et souhaitaient mais qui restait coincé dans le soutien du Kenya à la milice du polisario.
Mais depuis 2022, avec l’élection du président William Ruto, les relations entre les deux pays ont connu une embellie, bien qu’elle ait été de courte durée.
Ce lundi, à l’issue d’une réunion entre le chef de la diplomatie marocaine et son homologue kenyan, une déclaration conjointe a été adoptée, soulignant des points stratégiques qui devraient traduire les nouvelles relations entre les deux pays africains.
Le Communiqué conjoint souligne que le Kenya « considère le plan d’autonomie comme la seule approche durable pour la résolution de la question du Sahara et entend coopérer avec les États ayant la même vision pour favoriser sa mise en œuvre ».
Le document ajoute que « la République du Kenya se félicite du consensus international croissant et de la dynamique menée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI en faveur du plan d’autonomie présenté par le Royaume du Maroc comme la seule solution crédible et réaliste pour résoudre le différend sur le Sahara ».
Nairobi a également appuyé le cadre onusien comme étant le seul habilité à statuer et interagir dans la résolution du conflit régional, s’éloignant ainsi de certaines voix qui tentent de faire intervenir l’Union africaine dont le polisario, à travers l’autoproclamée « république sahraouie » (rasd), est membre, bien que non reconnu par la communauté internationale.
« Le plan d’autonomie est désormais la seule solution +durable+ pour le Kenya car la seule solution +crédible et réaliste+ », a déclaré à Hespress FR, Mohamed Badine El Yattioui, Professeur d’Études Stratégiques au National Defence College des Émirats Arabes Unis.
« Le cadre onusien est considéré comme exclusif », a rappelé l’expert, affirmant que tous ces éléments démontrent « un alignement clair de la vision de ce pays avec la stratégie promue par le Royaume sur le plan international depuis de nombreuses années ».
Notant que ce tournant incarne un succès diplomatique du fait de la pertinence et de la véracité des arguments historiques, juridiques et politiques du Maroc, le professeur ajoute que « la reconnaissance de la marocanité du Sahara en mai 2025 est une grande victoire diplomatique supplémentaire pour le Royaume concernant ce conflit artificiel ».
La position du Kenya qui a été officialisée lors de la visite à Rabat du Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et de la Diaspora de la République du Kenya, Musalia Mudavadi, et sa rencontre avec le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, marque le succès de la vision et de la volonté du Maroc pour une Afrique unie.
Le Royaume, à travers la vision du Roi Mohammed VI, oeuvre depuis de nombreuses année à renforcer ses relations avec ses voisins continentaux, sur plusieurs niveaux, en faisant la promotion d’une coopération sud-sud. Rabat s’intéresse en particulier des acteurs clés tels que le Kenya avec qui les perspectives économiques, stratégiques, politique et le partenariat a un potentiel non négligeable.
Mais l’affaire ne semblait pas gagnée, étant donné que les relations entre les deux pays ont été traditionnellement marquées par le seau de l’indécision de Nairobi sur la question du Sahara, essentielle, vitale pour Rabat.
A ce sujet, Mohamed Badine El Yattioui a rappelé qu’en 2013, le Kenya avait choisi de soutenir le front séparatiste. Pour sa part, le président actuel William Ruto avait choisi de retirer cette reconnaissance fin 2022. « Malheureusement, il a cédé aux pression politiques internes dont, entre autres, celle du président de la Chambre basse, Moses Wetangula, qui a tout fait pour freiner cette volonté présidentielle », a-t-il affirmé.
En décembre 2023, des élus kenyans ont exigé l’assainissement des relations avec le Royaume et ont exhorté les autorités de leur pays d’ouvrir une ambassade au Maroc.
Les élus kenyans avaient vu grand et avaient surtout vu le potentiel économique d’un rapprochement avec Rabat. Les perspectives d’un futur prospère pour les deux pays était toutefois hypothéqué par le soutien au polisario.
« Il est important en tant que pays d’avoir une mission diplomatique physique pour aider le ministère des Affaires étrangères à recueillir des renseignements sur l’économie du Maroc », avait déclaré la sénatrice Ledama Olekina, citée par la presse kenyane.
Les deux pays peuvent échangent et profiter des expérience de chacun dans le cadre d’un partenariat multidimensionnel, en renforçant leurs relations économiques, commerciales et sociales notamment dans les domaines de la pêche et de l’agriculture et la sécurité alimentaire, en particulier dans les engrais.
Il s’agit également des domaines de la santé, du tourisme, des énergies renouvelables, de la collaboration en matière de sécurité, ainsi que des échanges culturels, religieux et interpersonnels.
El Yattioui a rappelé que des liens économiques entre les deux pays existent déjà, notamment avec la présence économique du Royaume au Kenya dans le secteur bancaire, avec Attijari Wafa Bank et Bank Of Africa, qui y sont bien implantés.
« Les engrais et les produits agricoles pourraient consolider le commerce bilatéral », a-t-il souligné, en expliquant que le Kenya fait face à une crise de distribution de fertilisants sur son territoire alors qu’il veut accroître sa production de maïs pour atteindre l’objectif de 4 millions de tonnes par saison.
« Les engrais sont un instrument très important pour la diplomatie économique marocaine, via l’OCP, acteur majeur à l’échelle internationale et instrument d’influence », a-t-il affirmé.
In fine, ce nouveau chapitre dans les relations entre les deux acteurs est consécration supplémentaire de la vision géostratégique royale et un nouveau partenaire stratégique en perspective pour le Maroc, qui va augmenter sa zone d’influence sur le continent car il s’agit d’un des pays les plus influents au sein de l’Union Africaine et de la plus grande économie d’Afrique de l’Est, a conclu l’expert.
Source : fr.hespress.com