Economie

JNI 2025: Mezzour et Alj tracent la voie d’une souveraineté industrielle “Made in Morocco”

À l’ouverture de la 3e édition de la Journée nationale de l’industrie (JNI), tenue hier lundi à Rabat sous le thème « Le Made In Morocco, gage de qualité, de compétitivité et levier de développement intégré des territoires », le ministre de l’Industrie Ryad Mezzour et le président de la CGEM Chakib Alj ont croisé leurs regards sur la trajectoire industrielle du Royaume et du Made in Morocco.

C’est un dialogue entre les représentants du secteur public et du privé qui aura permis de concentrer les enjeux, les avancées et les points de friction qui structurent aujourd’hui le débat sur la souveraineté industrielle du Maroc, qui s’illustre de mieux en mieux par le Made in Morocco.

Un Made in Morocco qui prend toute son envergure avec le choix opéré par l’industriel français Safran d’implanter dans le Royaume une base pour la construction des réacteurs d’avion. Pour Ryad Mezzour, ce projet, qui positionne le Maroc parmi les cinq pays capables de produire des moteurs d’avion, incarne un tournant stratégique. «C’est le couronnement de 26 ans de choix économiques et industriels», a-t-il affirmé.

Le ministre de l’Industrie a cité, comme pour illustrer ce tournant, l’ouverture aux investisseurs internationaux, le développement des compétences, la montée en puissance des énergies renouvelables et la mise en place d’infrastructures de classe mondiale.

Revenant sur le projet Safran, il a insisté sur sa portée aussi bien symbolique que stratégique: «Ce réacteur d’avion est l’objet le plus complexe à produire dans l’industrie. Et ce projet à lui seul est de nature à doubler nos exportations aéronautiques.»

JNI 2025 : 70% de l’investissement industriel est local

Ce jalon industriel s’inscrit dans une dynamique plus large. Ryad mezzour a fait remarquer que 70 % du capital social dans l’industrie est national, preuve de l’engagement des opérateurs locaux. Il n’a toutefois pas occulté les zones d’ombre existantes: «Il y a encore plein de jeunes qui attendent des jobs, qui attendent de meilleurs jobs. On a encore du pain sur la planche.»

En ce qui concerne la faiblesse relative de l’investissement privé, le capitaine de l’industrie marocaine a tenu à nuancer le diagnostic. A l’en croire, les investissements publics incluent une part importante de PPP. Il a aussi évoqué les effets d’éviction et les héritages structurels. «Les années 90 ont découragé l’investissement industriel. Les années 2000 ont surchauffé l’immobilier. Il a fallu un changement de mindset», a-t-il expliqué.

Sur les ruptures technologiques, notamment l’intelligence artificielle, Mezzour s’est montré résolument optimiste: «L’IA est une opportunité. Elle permet d’augmenter les compétences, d’accélérer les transitions.» Il a ainsi annoncé dans la foulée le déploiement d’agents IA dans les cursus d’ingénieurs, avec une dissémination rapide vers la formation professionnelle, soulignant que «c’est auto-apprenant, ça se multiplie très vite».

Enfin, sur le label Made in Morocco, le ministre revendique une trajectoire ascendante.  «Il y a dix ans, on le cachait sur les packagings. Aujourd’hui, on l’affiche avec fierté, les enseignes sont fières de mettre le Made in Morocco comme argument de vente», a-t-il fait savoir, avant d’assurer que «demain, ce sera un label d’excellence».

Chakib Alj a, pour sa part, inscrit son regard dans une perspective historique. «À la fin des années 80, l’industrie était en déclin. Aujourd’hui, elle a repris ses lettres de noblesse», a-t-il introduit. Il a ensuite cité des chiffres parlants: croissance continue de 6 % dans l’agroalimentaire, 30 milliards de dirhams de chiffre d’affaires dans la pharma et autosuffisance médicamenteuse de 70 %. Des chiffres auxquels s’ajoutent une dynamique soutenue dans la plasturgie, la chimie et la métallurgie.

Le président de la CGEM a souligné également l’attractivité du Maroc pour les IDE: «Sur les huit premiers mois de 2025, on observe une hausse de 50 %. On pourrait finir l’année avec +80 %.»

Mais au-delà des chiffres, Alj a pointé les freins persistants. Selon lui, la formation professionnelle, bien que structurée, doit être recalibrée. «Il faut amplifier les centres de formation et les adapter aux besoins des industriels», a-t-il dit, appelant à une meilleure articulation entre les centres classiques et les instituts de gestion déléguée, citant l’exemple de l’IMA et de l’ISMALA dans l’aéronautique.

Le Made in Morocco n’est plus un slogan

Sur la recherche et développement, le constat de Chakib Alj est sans détour : «300 millions de dirhams par an, c’est peu.» Il a évoqué les pistes de crédit d’impôt et d’augmentation des enveloppes, tout en reconnaissant une montée en puissance progressive des demandes.

Interpellé sur les barrières administratives, le patron des patron marocains s’est montré pragmatique: «Ça s’améliore, mais pas assez.» Il a à ce titre invité le gouvernement à faire davantage d’efforts car «les entrepreneurs doivent pouvoir se concentrer sur leur cœur de métier». Il a aussi critiqué le rôle de collecteur d’impôts assigné aux entreprises, estimant que «ce n’est pas aux entreprises de collecter l’argent pour l’État».

Enfin, Alj a insisté sur l’accès à l’énergie verte comme levier de compétitivité: «Le coût de l’électricité a toujours été un problème. Si les entreprises à moyenne tension peuvent accéder à une énergie verte abordable, elles pourront exporter plus facilement.»

Une ambition partagée, mais des trajectoires à synchroniser

Au terme de ce dialogue, une convergence s’impose: le Made in Morocco n’est plus un slogan, mais une ambition structurée. Au travers de cette discussion animée entre Ryad Mezzour et Chakib Alj, ce sont les pouvoirs publics et le secteur privé qui s’accordent sur la nécessité d’une montée en gamme, d’une meilleure coordination entre acteurs, et d’une accélération des réformes. En clair, l’industrie marocaine avance, mais elle doit encore synchroniser ses trajectoires pour transformer ses atouts en souveraineté productive durable.

La perspective d’un Made in Morocco qui fait se croiser excellence industrielle et compétitivité internationale, le tout au service d’un développement intégré des territoires, en vaut bien la chandelle.

Source : h24info.ma