Coup d’État au Burkina Faso : le point sur la situation
Huit mois seulement après le putsch du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, l’armée a de nouveau renversé le pouvoir.
Un militaire renversé par d’autres militaires. Après 48 heures de confusion, le président de la transition, le lieutenant-colonel Damiba, destitué vendredi 30 septembre, par le capitaine Ibrahim Traoré, mais qui refusait d’abdiquer, a finalement accepté de démissionner dimanche 2 octobre. L’ancien président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), appareil qui lui avait permis de chasser du pouvoir l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré – le 24 janvier dernier – n’a pas réussi à inverser la situation en sa faveur. Il se trouverait désormais à Lomé, au Togo, d’après les informations de nos confrères de RFI, et ce, après de longues tractations entre les deux rivaux et les représentants des chefs religieux et communautaires très respectés au pays des « Hommes intègres ».
Damiba dos au mur
« Le président Paul-Henri Sandaogo Damiba a proposé lui-même sa démission afin d’éviter des affrontements aux conséquences humaines et matérielles graves. » Le texte précise que l’ancien homme fort « du pays des Hommes intègres », Damiba « a posé sept conditions » pour accepter de démissionner, parmi lesquelles « la garantie de la sécurité et de la non-poursuite » des militaires engagés à ses côtés, « la garantie de sa sécurité et de ses droits, ainsi que ceux de ses collaborateurs » et « le respect des engagements pris » avec la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour un retour du pouvoir aux civils d’ici à deux ans.
Le capitaine Traoré, désormais président du MPSR « a accepté » ces conditions, et ils « invitent la population au calme, à la retenue et à la prière », conclut le texte.
Dans un communiqué séparé publié, toujours ce dimanche, cette fois-ci par les militaires pro-Traoré indique que le capitaine « est chargé de l’expédition des affaires courantes jusqu’à la prestation de serment du président du Faso désigné par les forces vives de la nation », à une date non précisée. Ils avaient annoncé la fermeture des frontières, la suspension de la Constitution et la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée législative de transition. Un couvre-feu avait également été mis en place de 21 heures à 5 heures (heure locale et GMT). Il a été levé samedi, en dépit des tensions et des incertitudes sur la suite des événements.
Désaccords au sein de l’armée
En tout cas, le nouveau chef de la junte, le capitaine Traoré, 34 ans, était jusqu’à présent le chef de corps du régiment d’artillerie de Kaya, dans le nord du pays, particulièrement touché par les attaques djihadistes. Fait notable, le chef d’état-major des armées lui a apporté son soutien dans une déclaration relayée sur la page Facebook de la Radiodiffusion-Télévision du Burkina dimanche soir. « La chaîne du commandement militaire des forces armées nationales apporte son soutien à la vision du nouveau MPSR concernant la défense et la sécurité des populations », dit le texte.
Selon plusieurs sources sécuritaires, ce nouveau coup de force révèle de profonds désaccords au sein de l’armée, l’unité d’élite des « Cobras » déployée dans la lutte antidjihadiste reprochent notamment au lieutenant-colonel Damiba de ne pas mobiliser toutes les forces sur le terrain. Selon les autorités, les groupes armés terroristes sont responsables de la mort de 10 000 civils et militaires au moins depuis 2015.
Réactions fermes de la communauté internationale
La communauté internationale a fermement réagi face à ce deuxième coup d’État en moins d’un an et le onzième de l’histoire du pays. Samedi, le secrétaire général des Nations unies Antonio Gutteres a « fermement » condamné « toute tentative de prise de pouvoir par la force des armes ».
L’Union africaine (UA) a abondé dans le même sens et dénoncé un « changement anticonstitutionnel de gouvernement » et l’Union européenne (UE) a estimé que le coup de force mettait « en danger les efforts engagés depuis plusieurs mois » pour la transition.
La France suit particulièrement de près les événements qui se déroulent actuellement dans le pays. Paris, a, en effet, été pris à partie ces derniers jours, notamment par des manifestants, dont plusieurs centaines s’étaient rassemblées devant l’ambassade de France à Ouagadougou, mettant le feu à des barrières de protection et jetant des pierres à l’intérieur du bâtiment sur le toit duquel étaient positionnés des soldats français, d’autres arrachant des barbelés pour tenter d’escalader le mur d’enceinte du bâtiment diplomatique, d’après les images diffusées par plusieurs médias locaux et internationaux. « La France n’est pas partie prenante des événements qui se déroulent au Burkina Faso depuis quelques jours. Il s’agit d’une crise, il s’agit d’une situation intérieure qui est évolutive, mais c’est un sujet interne à ce pays dans lequel la France n’a pas à prendre parti, et ne prend pas parti », a déclaré la ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna sur RFI, dimanche soir.
La diplomatie américaine a, elle, « exhorté les responsables à désamorcer la situation », disant « suivre la situation de près ».
Dans la sous-région, dès vendredi soir, la Cedeao avait « condamné avec la plus grande fermeté » un coup de force « inopportun au moment où des progrès ont été réalisés pour un retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 1er juillet 2024 ». Pour l’heure, les nouveaux putschistes n’ont pas indiqué s’ils comptaient respecter ce calendrier de transition. Mais, dimanche soir, dans un troisième texte, le président en exercice de la Cedeao, le Bissau-Guinéen, Umaro Sissoco Embalo, a « salué les différentes parties du Burkina Faso d’avoir accepté un règlement pacifique de leurs différends ». Il « note en particulier la décision du lieutenant-colonel Damiba de renoncer à ses fonctions de président du gouvernement de transition (…) afin d’éviter une confrontation violente et un éventuel bain de sang ». Une délégation de l’organisation ouest-africaine qu’il conduira est attendue à Ouagadougou ce lundi 3 octobre avec, notamment, un médiateur, en la personne de l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, et le président de la Commission de la Cedeao, le Gambien Omar Alieu Touray.