BarMar, le gazoduc qui réconcilie la France avec l’Espagne et le Portugal
La France, l’Espagne et le Portugal en finissent avec la querelle du gazoduc MidCat, qui serait remplacé par un nouveau projet sous-marin entre Barcelone et Marseille.
Premier acte fort posé par la France en amont du Conseil européen : Emmanuel Macron renoue des liens distendus avec l’Espagnol Pedro Sanchez et le Portugais Antonio Costa. Les trois dirigeants, qui se sont vus ce jeudi matin, évacuent un vieux contentieux au sujet du gazoduc MidCat, serpent de mer venimeux des interconnexions énergétiques entre la péninsule ibérique et la France.
La France, l’Espagne et le Portugal conviennent de lancer l’étude d’un projet alternatif qui reliera, sous la mer, Barcelone et Marseille. Ce nouveau « tuyau », dénommé BarMar, devrait transporter, selon les premiers éléments, principalement de l’hydrogène. Il pourrait aussi être adapté pour d’autres gaz renouvelables, ainsi qu’« une proportion limitée de gaz naturel comme source d’énergie temporaire et transitoire », précise l’Élysée, qui évoque le chiffre limite de 15 %.
BarMar serait éventuellement doublé d’une connexion électrique. Les trois dirigeants sont convenus de se revoir le 9 décembre à Alicante pour décider du calendrier et des financements. L’Espagne, à l’initiative, a produit une première étude. La France doit à son tour expertiser la faisabilité du projet d’ici au 9 décembre. Il faut aller vite si BarMar veut postuler dans les temps aux fonds européens prévus pour les interconnexions. La Commission européenne sera en effet sollicitée pour inscrire BarMar dans la liste des projets d’intérêt prioritaires.
L’Espagne veut vendre son renouvelable à l’Europe
Début septembre, Emmanuel Macron avait exprimé son refus de reprendre le projet MidCat (Midi-Catalogne) qui lui semblait d’un autre temps, trop coûteux et peu adapté aux défis environnementaux. « Je ne comprends pas pourquoi on sauterait comme des cabris des Pyrénées sur ce sujet pour expliquer que ça résoudrait le problème gazier : c’est faux », avait-il tranché, le 5 septembre. MidCat, dans sa version maxi, devait coûter 3 milliards d’euros, dont les deux tiers à la charge de la France. La durée des travaux (cinq ans au bas mot) le rendait inopérant à résoudre l’urgence de la crise actuelle.
Pedro Sanchez et Emmanuel Macron ont depuis longtemps abordé les problèmes d’enclavement énergétique de la péninsule ibérique. Lors du sommet de Versailles, sous la présidence française de l’Union, l’Espagne et le Portugal ont accentué leurs pressions. Sanchez et Costa ont reçu le renfort de l’Allemagne, soudain très désireuse de capter le GNL américain ou l’hydrogène venu d’Espagne. « Nous avons eu des débats sur la nécessité d’accélérer les interconnexions, non seulement pour le gaz mais aussi pour l’hydrogène vert s’agissant de l’Espagne, confirmait au Point, à Versailles, le Premier ministre espagnol. Je pense que, avec l’Espagne et le Portugal, nous pouvons contribuer à diversifier les ressources énergétiques et la question est, bien sûr, qui paie pour ces interconnexions ? »
Préserver les Pyrénées
Les Français ont longtemps rechigné à connecter l’Espagne. Les arguments étaient nombreux à l’époque : la France, avec son nucléaire et son gaz algérien, n’a pas besoin du gaz naturel liquéfié que les Espagnols importent. Autrement dit, la France était peu pressée d’ouvrir son marché… En outre, des écologistes d’Occitanie s’indignaient que le gazoduc MidCat traverse, à un mètre sous terre, 44 communes de l’Aude et 51 des Pyrénées-Orientales avec plusieurs stations de compression.
L’Espagne, de son côté, a largement investi et dispose de six terminaux méthaniers, financés en grande partie avec les fonds européens de la cohésion. Le Portugal dispose d’un seul terminal. L’Espagne a presque trop construit et se trouve en surcapacité, il lui faudrait un gros transit de GNL américain pour justifier autant de terminaux…
Le raccordement électrique pose moins de problèmes. Le projet golfe de Gascogne, qui devrait aboutir en 2027, est une ligne de 400 kilomètres passant au fond de l’océan, qui pourrait doubler les capacités d’échanges d’électricité entre la France et l’Espagne pour les porter jusqu’à 5 000 mégawatts. Les bénéfices, ici, sont partagés.