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Accord UE-Indonésie : des gains économiques modestes pour l’Europe

Djakarta et Bruxelles concluent un partenariat qui sécurise l’accès au nickel et au cobalt tout en imposant les standards environnementaux européens.

Dix ans de négociations plutôt discrètes ont abouti mardi à un partenariat économique global entre l’Union européenne et l’Indonésie. Cet accord, le Cepa (pour Comprehensive Economic Partnership Agreement), fait partie des arrangements de nouvelle génération qui prennent en compte les préoccupations environnementales et un volet de protection des investissements.

Les bénéfices économiques directs restent modestes pour l’Europe. Les 600 millions d’euros d’économie de droits de douane annoncés par la Commission européenne, bien que significatifs, ne pèsent guère face au déficit commercial de 7,7 milliards d’euros que l’Union européenne accuse avec l’Indonésie. Avec seulement 0,4 % des exportations extra-européennes, ce marché de 284 millions d’habitants demeure périphérique.

L’accord profite surtout aux secteurs où l’Europe est déjà compétitive : automobile, machines industrielles, produits pharmaceutiques. En 2024, l’UE n’est que le 5e partenaire commercial (29,2 milliards de dollars d’échanges, 6,4 % du commerce total) de l’Indonésie derrière la Chine (119,8 milliards de dollars, 26,2 % du total), les États-Unis (36,3 milliards de dollars ; 8 % du total), le Japon (33,1 milliards de dollars, 7,3 % du total) et Singapour (29,2 milliards de dollars, 6,8 % du total).

Accès aux matières premières critiques

La valeur du Cepa réside ailleurs : dans la géostratégie et le timing. Sécuriser l’accès aux matières premières critiques indonésiennes (nickel, cobalt) avec 50 % de réduction des droits d’exportation constitue un atout face à la domination chinoise sur ces ressources. L’Europe capitalise aussi sur les tensions sino-américaines pour imposer ses standards environnementaux tout en conservant l’accès aux marchés. Cet accord « pas cher » politiquement diversifie les options européennes sans risque de résistances sectorielles majeures, contrairement au controversé accord Mercosur.

Les négociations, entamées il y a dix ans, ont longtemps achoppé sur la question de l’huile de palme. L’Indonésie, premier producteur mondial avec ses 47 millions de tonnes annuelles, contestait les règles européennes limitant l’utilisation de cette matière première dans les biocarburants au nom de la lutte contre la déforestation. Djakarta avait porté le différend devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2019, dénonçant des mesures discriminatoires.

Un protocole inédit sur l’huile de palme

En janvier 2025, l’OMC a largement donné raison à l’Union européenne, validant l’essentiel de sa réglementation sur les énergies renouvelables. Cette décision a contribué à débloquer les discussions commerciales entre les deux parties. L’accord témoigne d’un équilibre fragile. L’Europe maintient ses standards environnementaux, mais crée un « protocole huile de palme » inédit : une plateforme de dialogue pour accompagner les producteurs indonésiens vers la conformité avec la réglementation européenne anti-déforestation. Cette approche pragmatique divise. Les défenseurs de l’environnement s’inquiètent que l’accord facilite les importations d’huile de palme, même avec des conditions. Les milieux économiques y voient au contraire un modèle de coopération technique préférable aux interdictions brutales.

Outre l’huile de palme, l’Indonésie exporte du café, des épices, des textiles, des chaussures. Dès l’entrée en vigueur de l’accord, 80 % des droits de douane disparaîtraient entre les deux partenaires, pour atteindre 98 % après cinq ans. L’Indonésie supprimerait ses droits de douane sur les voitures européennes – jusqu’à 50 % actuellement – ainsi que sur les machines et équipements pharmaceutiques.

L’accord comprend par ailleurs des engagements contraignants sur l’environnement et le droit du travail. Le non-respect de l’accord de Paris sur le climat ou des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail pourrait théoriquement donner lieu à des sanctions commerciales. L’efficacité de ces mécanismes reste à démontrer. L’urgence calendaire explique en partie cette finalisation. Au 1er janvier 2027, l’Indonésie perdra automatiquement ses avantages commerciaux européens dans le cadre du système de préférences généralisées, qui accorde des conditions tarifaires préférentielles aux pays en développement. Sans accord, ses exportations vers l’Europe seraient pénalisées.

La procédure d’adoption du Cepa relève de la compétence exclusive européenne. Seuls le Parlement européen et le Conseil devront l’approuver, sans nécessité de ratification par les 27 parlements nationaux. Les textes définitifs seront publiés dans les prochaines semaines, traduits dans les 24 langues officielles, puis soumis au vote des eurodéputés et des États membres au Conseil.

Source : lepoint.fr