Monde

Les Druzes de Syrie, cibles de massacres et otages des divisions internes

Autour de Soueïda, théâtre de massacres confessionnels à la mi-juillet dans le Sud syrien, le camp druze est fracturé par des luttes entre clans rivaux.

Sur les murs de la maison de Laïth al-Balous, en périphérie de la ville de Soueïda, s’affichent les portraits des « martyrs » druzes de Syrie : ceux qui ont été tués sous le mandat français (1923-1946) mais aussi, plus récemment, les victimes du régime de Bachar el-Assad et de ses alliés. À l’extérieur du logis, la mémoire est plus tangible encore.

Là est le tombeau du père de Laïth, le cheikh Wahid al-Balous, assassiné en 2015 dans un attentat attribué au régime syrien. Selon les coutumes druzes, le sang ne s’oublie pas et la vengeance se transmet de génération en génération, de la même manière que la terre ou le patronyme. La tombe rappelle à chaque visiteur que la blessure familiale demeure béante.

La semaine passée, la dernière demeure du cheikh Wahid al-Balous a été profanée. Une photo qui montre un combattant druze en train de la piétiner a circulé. L’image aurait été prise par un membre des forces affiliées au cheikh Hikmat al-Hijri, l’adversaire druze du clan Al-Balous. Comme un symbole de la fracture qui déchire la communauté après des jours de massacres.

Deux stratégies antagoniques émergent au sein de la communauté druze, incarnées par les deux puissantes familles locales. D’un côté, le clan Al-Balous et les autres familles avec lesquelles il est allié soutiennent le nouveau pouvoir en place à Damas et cherchent à négocier avec les représentants du président Ahmed al-Chareh. De l’autre, la famille Al-Hijri, qui a soutenu Bachar el-Assad, refuse toujours de reconnaître le nouveau régime à dominante islamiste et entretient des relations indirectes avec Israël.

Les Druzes sont des fidèles d’une religion ésotérique issue du chiisme ismaélien ; les islamistes les considèrent comme des hérétiques. Leur population totale, estimée à un million de personnes, est répartie entre la Syrie, le Liban et le nord d’Israël. Environ la moitié d’entre eux vivent en Syrie, où ils représentent près de 3 % de la population nationale. Ils habitent principalement dans la province méridionale de Soueïda, leur bastion historique.

Enlèvements

La région a été à la mi-juillet le théâtre de massacres ayant fait plus de 1 120 morts en l’espace d’une semaine, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une association basée au Royaume-Uni qui a publié ce bilan des victimes : 427 combattants druzes, 298 civils druzes, 354 membres des forces de sécurité gouvernementales, dominées par les combattants de l’ex-groupe rebelle islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC), ainsi que 21 membres de tribus bédouines sunnites. Ce chiffre reste incertain et est appelé à s’alourdir, car, selon l’activiste Rawda Harb, spécialisée dans le recensement des victimes à Soueïda, de nombreux corps sont encore abandonnés dans les rues, notamment depuis que la ville est privée d’Internet et de communications.

Le 14 juillet, après une série d’enlèvements mutuels entre Bédouins voisins et Druzes, les tensions éclatent, poussant les nouvelles forces gouvernementales à intervenir. Des massacres et des exactions sont commis des deux côtés. La situation s’aggrave dans les jours qui suivent, avec des affrontements meurtriers entre factions druzes armées et tribus bédouines des environs.

Source : lepoint.fr