Economie

Baisse des prix de la viande rouge après l’annulation de l’Aïd, quel impact sur l’importation ?

Les contours d’une transformation majeure du marché de la viande rouge au Maroc commencent à se dessiner après la décision royale d’annuler l’abattage des moutons pour l’Aïd al-Adha. Des sources professionnelles actives dans l’importation d’ovins depuis l’Europe jugent improbable la poursuite des importations après cette annonce, d’autant que les prix des ovins ont connu une baisse notable au niveau national.

D’après des sources bien informées contactées par Hespress, la chute du prix de la viande ovine sur le marché marocain, passé de 120 à 90 dirhams le kilogramme, dissuade désormais les importateurs de poursuivre leurs opérations.

Interrogé sur les raisons de ce désengagement malgré le maintien par le gouvernement d’une subvention de 500 dirhams par tête, Mohamed Jebli, acteur du secteur de l’importation de viandes au Maroc, a souligné que “les importateurs font face à une flambée des prix sur le marché européen, en particulier en Espagne, où le coût d’un mouton atteint 120 dirhams le kilogramme”.

Selon lui, cet écart de prix de 30 dirhams entre les marchés marocain et espagnol pousse les importateurs à suspendre leurs opérations en attendant une éventuelle baisse des prix en Europe avant de reprendre les importations.

Pour l’économiste Mohamed Jedri, l’annulation de l’abattage des moutons pour l’Aïd devrait permettre au Maroc d’économiser entre 5 et 6 millions de têtes ovines. Le principal avantage de cette mesure réside dans le fait que les femelles ne seront pas sacrifiées, ce qui favorisera le renouvellement du cheptel dès l’année prochaine.

Optimiste qu’il est, Jedri a estimé que « le gouvernement doit revoir ses mécanismes de soutien à l’importation. Il a rappelé que l’État n’applique actuellement aucune taxe sur l’importation des ovins, ni TVA ni droits de douane, ce qui devrait en principe se répercuter sur les prix à partir de 2026 ».

L’économiste a également exhorté l’exécutif à ouvrir un dialogue avec les acteurs du secteur afin de mieux défendre les intérêts des consommateurs. Il a dénoncé le paradoxe selon lequel les importateurs bénéficient d’importants avantages fiscaux et d’exonérations, alors que les prix de la viande rouge restent à des niveaux records sur le marché.

Il a insisté sur l’urgence de poursuivre les réformes en cours et de mettre fin aux dérives du système de commercialisation, notamment la prolifération des intermédiaires, des spéculateurs et des monopoles. Il a rappelé que, selon le ministre de l’Industrie et du Commerce, à peine 18 acteurs contrôlent l’ensemble de cette filière.

Par ailleurs, Jedri a appelé à un soutien accru aux petits éleveurs et agriculteurs pour garantir un renouvellement durable du cheptel. Il a critiqué la reconduction des mesures adoptées en 2024 et 2025, notamment la subvention de 500 dirhams par tête pour les importateurs, qui n’a eu aucun impact réel sur la baisse des prix. Il préconise la mise en place de points de vente spécifiques pour le bétail importé et va plus loin en proposant un plafonnement des prix, jugeant inacceptable que des entreprises bénéficiant d’avantages fiscaux et douaniers puissent vendre leurs importations aux prix du marché.

Ainsi, il a insisté sur la nécessité pour le gouvernement d’exploiter au mieux le temps disponible pour remédier aux problèmes structurels du secteur, en particulier la gestion de l’eau et le coût des aliments pour bétail, dont la cherté et l’instabilité restent exacerbées par les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales.

Source: fr.hespress.com