Guerre Israël-Hamas : quel rôle peut jouer l’Autorité palestinienne ?
Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine, tente de faire jouer un rôle à l’Autorité palestinienne dans la guerre qui oppose Israël au Hamas. Accueilli avec froideur par toutes les parties, cette proposition souligne les faiblesses de cet embryon d’État palestinien pourtant doté d’un important appareil sécuritaire.
Dimanche 5 novembre, Antony Blinken effectuait à Ramallah sa première visite au siège de l’Autorité Palestinienne depuis le début de l’affrontement meurtrier entre Israël et le Hamas, le 7 octobre. Le chef de la diplomatie américaine a une nouvelle fois fait part de son souhait de voir la structure gouvernementale née des accords d’Oslo il y a 30 ans reprendre le contrôle de la bande de Gaza une fois les opérations militaires terminées.
Le président palestinien Mahmoud Abbas a lui réaffirmé que « la bande de Gaza est partie intégrante de l’État de Palestine » et que l’Autorité palestinienne ne pourrait y jouer un rôle que dans le cadre d’une « solution politique globale pour la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza » mettant fin à l’occupation israélienne.
« Je n’ai pas de mots pour décrire le génocide et la destruction subis par notre peuple palestinien à Gaza aux mains de la machine de guerre israélienne, au mépris des principes du droit international », a déclaré le leader palestinien âgé de 87 ans au chef de la diplomatie américaine.
Successeur de Yasser Arafat, Mahmoud Abbas semble plus impuissant que jamais face au déferlement de violence. Mise en place en 1996, son administration à la souveraineté très limitée n’exerce formellement son autorité que sur 18 % de la Cisjordanie, à savoir la « zone A », créée par les accords d’Oslo, qui regroupe les villes palestiniennes de la rive gauche du Jourdain.
Depuis 2007, l’Autorité palestinienne est absente de la bande de Gaza suite à la victoire électorale du Hamas en 2005 et au coup de force du parti islamiste pour expulser ses représentants en 2007.
Une légitimité inexistante et des pouvoirs très limités
Très impopulaire auprès des Palestiniens, qui bien souvent ne voient en elle qu’une structure politique corrompue et répressive, l’Autorité palestinienne dispose cependant d’une administration civile, de forces de sécurité et de renseignement. Elle bénéficie du soutien financier des États-Unis, de l’Union européenne et d’autres donateurs internationaux.
Peu de données officielles existent concernant l’appareil sécuritaire palestinien en Cisjordanie. Selon plusieurs sources, les forces de sécurité palestiniennes sont composées d’environ 40 000 hommes armés, dont certaines unités sont équipées de blindés légers.
Elles sont réparties entre plusieurs agences. La police palestinienne (PCP, Palestinian Civil Police) qui assure des taches civiles de maintien de l’ordre, de lutte contre la criminalité et qui administre les prisons. Elle compterait environ 10 000 policiers et bénéficie du soutien financier et technique de l’Union européenne.
Les forces de sécurité palestiniennes (NSF, National Security Forces) souvent décrites comme l’armée en attente de la Palestine, compteraient entre 10 et 30 000 membres et reçoivent des formations et un soutien de la Jordanie et des États-Unis.
La Sécurité nationale (GIS, General Intelligence Service) compte elle 3 000 agents de renseignement, lutte contre l’espionnage, et coopère avec les services de renseignement étrangers.
La Sécurité Préventive (PS), l’agence de renseignement interne de l’Autorité palestinienne compterait 2 000 agents tandis que la Garde présidentielle (PG), une force d’élite de 2 à 3 000 hommes, assure la protection personnelle du président.
Depuis 2007, toutes ces forces loyales à Mahmoud Abbas sont cantonnées à certaines zones de la Cisjordanie et se sont engagées dans une coopération sécuritaire ininterrompue avec l’État hébreux.
Pour Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO) « la coopération entre les services palestiniens et les services israéliens est très poussée, (…) et a résisté à toutes les situations. À chaque fois que Mahmoud Abbas a voulu interrompre la coopération sécuritaire, les Américains s’y sont opposés et il ne l’a pas fait. C’est une relation presque organique et pour beaucoup de Palestiniens, la coopération sécuritaire ne s’accompagne d’aucun retour politique. Et c’est pour ça que beaucoup accusent l’Autorité palestinienne d’une sorte de collaboration ».
Pour le chercheur, imaginer « que l’Autorité palestinienne rentre à Gaza avec les blindés israéliens, dans les fourgons de l’armée d’occupation, serait catastrophique » pour l’Autorité et inacceptable aux yeux de la grande majorité des Palestiniens.
Source : france24.com