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Guerre au Soudan : l’ONU dénonce des violations « flagrantes » de l’accord humanitaire

Les Nations unies estiment que 25 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population du pays, ont besoin d’assistance.

Les belligérants au Soudan ne respectent pas leur engagement de permettre l’aide humanitaire d’accéder à la population civile durement éprouvée, a déploré jeudi 18 mai le responsable de l’ONU pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths, lors d’un entretien à l’AFP.

Depuis Genève, M. Griffiths a salué l’accord conclu le 12 mai entre les généraux rivaux, qui vise à créer des couloirs afin d’évacuer des civils des zones de combat et d’acheminer de l’aide humanitaire. « Il y a cependant des violations importantes et flagrantes de cette déclaration qui ont eu lieu depuis sa signature », souligne-t-il. Ainsi, l’entrepôt de Médecins sans frontières (MSF) a été pillé mardi, a annoncé mercredi cette ONG. Il s’agit d’un exemple parmi « de nombreux » autres, selon M. Griffiths : « Bien entendu, nous recensons ces incidents et nous en parlerons aux deux parties. »

Depuis le début de la guerre, le 15 avril, entre l’armée du général Abdel Fattah Al-Bourhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohammed Hamdane Daglo, un millier de personnes ont été tuées, 840 000 déplacées et 220 000 réfugiées. L’ONU a estimé mercredi que « 25 millions de personnes », soit « plus de la moitié de la population du Soudan », ont besoin d’assistance. « Et cela ne fait qu’un mois », rappelle M. Griffiths.

Pour leur venir en aide, l’ONU doit réunir 2,6 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros), et près de 500 millions de dollars pour ceux ayant fui dans les pays voisins. C’est un « très modeste appel » de fonds étant donné la situation catastrophique, juge le diplomate, exhortant les donateurs à se montrer solidaires.

Pillages

Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que depuis le début du conflit, les pillages de stocks alimentaires, le vol d’argent, de carburant, de véhicules ou d’autres équipements représentent une perte d’environ 56 millions de dollars. « C’est un chiffre énorme et choquant, un chiffre qui fait honte », a regretté M. Griffiths.

Khartoum, en proie à de violents combats, est « l’un des endroits les plus dangereux au monde » pour les humanitaires, estime-t-il. Grâce à des accords locaux pour un passage en toute sécurité des convois humanitaires, l’Unicef a réussi à déplacer des denrées dans une zone au sud de la capitale, raconte M. Griffiths.

La situation est encore plus fragile au Darfour (ouest), où les négociations pour une trêve humanitaire semblent ne mener nulle part. Cette région, frontalière du Tchad, avait été le théâtre d’une guerre déclenchée en 2003 entre le régime du président Omar Al-Bachir, déchu en 2019, et des insurgés issus de minorités ethniques. Ce conflit a fait environ 300 000 morts.

Avant même que ne débutent les combats en avril, le Darfour « était un lieu où les besoins étaient criants, d’une incroyable insécurité et d’une grande fragilité ». Cette nouvelle crise est « tout simplement d’une horreur inconcevable pour cette population », insiste M. Griffiths. Et l’aspect « ethnique » qui aggrave le conflit au Darfour « concerne maintenant l’ensemble du pays », juge-t-il.

Des efforts sont en cours pour livrer de l’aide humanitaire au Darfour via le Tchad, mais aussi depuis Nairobi vers cette région et Khartoum, grâce à des ponts aériens. En raison de difficultés bureaucratiques, « il nous est difficile de transporter des stocks humanitaires de Port-Soudan » vers l’intérieur du pays, déplore M. Griffiths, tout en assurant qu’« il est possible de remédier à cette situation ». Et « il faut le faire de toute urgence ».