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La Chine déploie une armada autour de Taïwan pour des « frappes simulées »

Après la rencontre de la présidente de Taïwan avec un haut responsable américain, la Chine poursuit ses exercices militaires autour de l’île.

Des exercices militaires qui s’intensifient. La Chine organise lundi 10 avril des manœuvres à tirs réels dans le détroit de Taïwan, au troisième jour d’un exercice « d’encerclement total » pour protester contre la rencontre de sa présidente avec un haut responsable américain.

Durant le week-end, des avions de chasse et des navires de guerre avaient simulé des bombardements ciblés contre l’île, dans le cadre de cette opération baptisée « Joint Sword » et dénoncée par Taïwan. Les États-Unis ont, eux, appelé Pékin à la « retenue ». L’objectif de ces exercices est de simuler un « encerclement total » du territoire de 23 millions d’habitants revendiqué par Pékin. La Chine a ainsi envoyé des avions, navires et troupes dans « les espaces maritime et aérien » tout autour de l’île, a indiqué l’armée.

« Plusieurs groupes de chasseurs H-6K transportant des munitions réelles ont effectué plusieurs vagues de frappes simulées sur des cibles importantes de l’île de Taïwan », selon la télévision d’État CCTV, le commandement du théâtre d’opérations est de l’armée précisant que le Shandong a également « participé à l’exercice du jour ». Pékin a également expliqué simuler un « bouclage » de Taïwan avec ses essais militaires, selon un communiqué de l’armée chinoise. Plusieurs dizaines d’avions ont été déployés pour appliquer un « blocus aérien » du territoire revendiqué par Pékin, a également indiqué la télévision d’État CCTV.

En réaction, les États-Unis ont annoncé que leur destroyer USS Milius a mené lundi une « opération de liberté de navigation » dans un secteur de mer de Chine méridionale revendiqué par Pékin, au moment où l’armée chinoise mène des exercices autour de Taïwan. « Cette opération de liberté de navigation a respecté les droits, les libertés et les utilisations légales de la mer », a déclaré la marine américaine dans un communiqué, ajoutant que le navire était passé à proximité des îles Spratly. Le navire est passé à moins de 12 milles nautiques (22 km) du récif Mischief, revendiqué par plusieurs pays de la région.

La Chine n’a pas tardé à réagir : « Le destroyer lance-missiles USS Milius a mené une intrusion illégale dans les eaux adjacentes au récif Meiji dans les îles Nansha de Chine, sans l’approbation du gouvernement chinois », a déclaré Tian Junli, porte-parole du commandement du théâtre sud de l’armée chinoise, dans un communiqué, ajoutant que l’armée de l’air de Pékin « a suivi et effectué une surveillance du navire ».

Des simulations de frappes sur des cibles clés

Cette action ne manque pas d’inquiéter la population de Taïwan. « Nous, les gens ordinaires, on veut juste une vie simple et stable », a confié à l’Agence France-Presse Lin Ke-qiang, habitant de 60 ans de l’île Beigan, sur l’archipel de Matsu, qui appartient à Taïwan, mais visible depuis la côte chinoise. « Si une guerre arrive, maintenant que leurs missiles sont si avancés, nous n’avons aucune chance de résister, on sera écrasés », ajoute l’homme, qui travaille comme cuisinier.

manche, l’armée chinoise a simulé des « frappes de précision » contre des « cibles clés sur l’île de Taïwan et dans les eaux environnantes », impliquant des dizaines d’avions et des troupes au sol, selon la télévision d’État, précisant que ce déploiement continuera à maintenir « un encerclement rapproché de l’île ».

Les forces aériennes ont aussi envoyé des dizaines d’aéronefs pour « survoler l’espace aérien visé » et, au sol, l’armée a lancé des manœuvres pour des « tirs de précision vers plusieurs cibles », selon la même source.

La Chine pointe du doigt le rapprochement de Taïwan avec les États-Unis

Samedi, la présidente Tsai Ing-wen a dénoncé l’« expansionnisme autoritaire » de la Chine et assuré que Taïwan « continuerait à travailler avec les États-Unis et d’autres pays […] pour défendre les valeurs de liberté et de démocratie ». Les manœuvres chinoises ont justement été lancées après une rencontre mercredi dernier en Californie de la présidente avec le président de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy.

Le département d’État américain a réitéré samedi son appel à « ne pas modifier le statu quo », tandis que le Pentagone a dit, lui, « suivre les événements de près ». La Chine voit avec mécontentement le rapprochement ces dernières années entre les autorités taïwanaises et les États-Unis qui, malgré l’absence de relations officielles, fournissent à l’île un soutien militaire substantiel.

Et elle considère Taïwan comme une province qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Elle vise cette réunification, par la force si nécessaire.

13 heures d’exercices programmées lundi

Les exercices à tirs réels de lundi se tiendront dans le détroit de Taïwan à proximité des côtes du Fujian (est), la province qui fait face à l’île, selon les autorités maritimes chinoises locales. Elle est située à 80 kilomètres au sud de l’archipel de Matsu et à 190 kilomètres de Taipei. Selon la même source, ils seront menés entre 7 heures (1 heure lundi à Paris) et 20 heures (14 heures lundi à Paris), autour de Pingtan, une île qui constitue le point le plus proche entre la Chine et Taïwan.

Les manœuvres « servent de sérieux avertissements contre la collusion entre les forces séparatistes recherchant “l’indépendance de Taïwan” et les forces extérieures, ainsi que leurs activités provocatrices », a averti un porte-parole de l’armée chinoise, Shi Yi.

Tôt lundi, une équipe de l’Agence France-Presse sur place à Pingtan ne constatait pas d’activité militaire accrue. Un petit nombre de bateaux de pêche et de navires de transport étaient visibles depuis la côte, mais les navires plus lointains n’étaient pas identifiables à l’œil nu.

Une armada colossale détectée

Dimanche, le ministère de la Défense taïwanais avait indiqué avoir détecté 11 navires de guerre et 70 avions chinois autour de l’île, une armada globalement similaire à celle recensée samedi. Il a précisé que 45 aéronefs avaient franchi la ligne médiane séparant Taïwan et la Chine continentale samedi, le chiffre le plus élevé depuis le début de l’année, selon des données compilées par l’Agence France-Presse.

Durant le week-end, le ministère a détecté environ 150 bateaux et aéronefs chinois, dont des avions de chasse, des drones, des bombardiers et des engins de transport.

Le dernier déploiement important autour de l’île avait eu lieu en août dernier : la Chine avait engagé des manœuvres militaires sans précédent autour de Taïwan et tiré des missiles en réponse à une visite sur l’île de la démocrate Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre.