Techonologie

L’Union Européenne prépare une enquête sur l’acquisition d’iRobot par Amazon

L’Union Européenne serait sur le point d’engager une procédure contre l’acquisition d’iRobot, le fabricant des aspirateurs Roomba, par Amazon. Elle craint que ce rachat permette au géant de la Tech, qui collecte déjà des données sur ses clients par le biais d’Alexa et de ses nombreux produits pour la smart home, de finir par avoir trop de données sur leur domicile.

En août 2022, le géant de l’e-commerce Amazon annonçait son projet de rachat d’iRobot, le fabricant des célèbres aspirateurs autonomes Roomba, pour 1,7 milliard de dollars.

Une acquisition contre laquelle l’Union Européenne s’apprêterait à lancer une procédure, si l’on en croit les informations recueillies par le Financial Times auprès de deux personnes proches du dossier. Les régulateurs de Bruxelles auraient envoyé à Amazon une série de questions détaillées sur le rachat, ce qui laisse penser qu’ils se préparent à une enquête formelle.

Des données recueillies dans toute la maison

L’élément qui est le plus probablement en cause est la capacité des aspirateurs Roomba de cartographier les pièces dans lesquelles ils se déplacent à l’aide de caméras embarquées. « Les fonctionnaires européens tentent de déterminer l’importance de cet accord pour Amazon et la façon dont l’entreprise pourrait l’utiliser pour combiner les données qu’il recueille déjà avec Alexa afin d’obtenir un avantage concurrentiel », a déclaré une personne ayant une connaissance directe de leurs préoccupations, toujours au Financial Times.

L’UE craint qu’en cumulant les données récoltées par ses enceintes Echo, son assistant Alexa, et les sonnettes, caméras et alarmes Ring et Blink aux informations spatiales obtenues par les aspirateurs Roomba, Amazon finisse par avoir une connaissance parfaite du domicile de ses clients, ce qui pourrait porter atteinte à la confidentialité de leurs données.

Amazon prépare sa défense

Il faudra sans doute attendre plusieurs semaines avant que la « phase 1 » de la procédure ne soit lancée. Celle-ci passera à une enquête plus approfondie de « phase 2 » si Amazon n’est pas en mesure d’apaiser les inquiétudes des régulateurs.

Et justement, le géant s’y préparerait, insistant sur les restrictions intégrées au Roomba et faisant valoir qu’il ne dispose que d’une cartographie de base, qui ne porterait pas atteinte à la vie privée des usagers. L’entreprise estime que l’opération doit être poursuivie, ne lui donnant « aucun avantage particulier sur le marché » compte tenu du nombre de produits concurrents disponibles.

Des photos prises par les aspirateur pour entraîner des modèles d’IA

Néanmoins, une enquête du MIT Technology Review, publiée en décembre 2022, avait alerté sur des photos prises par l’aspirateur robot Roomba J7 dans l’intimité des utilisateurs. L’une d’elles montrait une jeune femme sur les toilettes, le short descendu à mi-cuisse. Quinze autres photos intimes avaient été publiées sur des groupes de médias sociaux fermés. Des milliers d’autres avaient capturé les intérieurs de maisons du monde entier, certaines avec leurs occupants visibles.

Ces données auraient ensuite été utilisées par l’entreprise pour entraîner ses algorithmes et construire des robots plus intelligents dont l’objectif pourrait un jour aller au-delà du nettoyage des sols. Par ailleurs, pour qu’elles soient utiles à l’entraînement des modèles, des sous-traitants ont dû manuellement visualiser, catégoriser, étiqueter et ajouter un contexte à chaque élément. Pour ce faire, elles ont été envoyées à Scale AI, une start-up spécialisée dans le domaine.

iRobot prendrait des mesures pour prévenir une fuite similaire

iRobot a confirmé que ces images ont été capturées par ses Roombas en 2020, précisant qu’elles provenaient toutes de « robots de développement spéciaux avec des modifications matérielles et logicielles qui ne sont pas et n’ont jamais été présentes sur les produits de consommation iRobot destinés à l’achat ».

Après avoir reçu un échantillon des clichés, le CEO d’iRobot, Colin Angle, avait finalement déclaré qu’iRobot mettait fin à sa relation avec le fournisseur de services qui a divulgué les images, enquêtait activement sur cette affaire et prenait des mesures pour aider à prévenir une fuite similaire à l’avenir.

La FTC également sur le coup

La Commission fédérale du commerce des États-Unis (FTC), examine elle aussi l’opération de près, craignant de son côté qu’elle n’accroisse le pouvoir d’Amazon sur le marché de l’électronique domestique. Selon la missive adressée par plusieurs élus du Congrès à Lina Khan, présidente de la FTC, cette transaction pourrait « nuire aux consommateurs et réduire la concurrence et l’innovation sur le marché de la robotique domestique ».

Ils demandent à la FTC de s’opposer à l’accord « afin de protéger la concurrence, de faire baisser les prix à la consommation et de freiner les activités anticoncurrentielles bien documentées d’Amazon », a déclaré la sénatrice démocrate Elizabeth Warren peu après l’annonce de l’acquisition. La FTC a depuis demandé davantage d’informations à Amazon sur le sujet.

Sale temps pour iRobot ?

La période est complexe pour iRobot, qui a par ailleurs annoncé en ce début de semaine qu’il allait congédier 1254 employés, soit 7% de ses effectifs, dans un contexte de récession économique et d’inflation des prix. Des licenciements effectués « en prévision des conditions de marché qui resteront difficiles en 2023 », selon les mots de l’entreprise. Quant à Amazon, l’entreprise est également sujette à une procédure de la FTC concernant son projet d’acquisition du fournisseur de soins de santé One Medical pour 3,9 milliards de dollars.